ACTE II - SCENE XIV



JAMBART Mme JAMBART

MADAME JAMBART (paraissant. )
Emile !

JAMBART
Eh ! oui, c'est moi ! Ton Emile ! Ah, chère ! quelle joie de te revoir! (Avec élan.)
Ah ! (Il l'enlace de ses deux bras et la tient un instant embrassée, puis, lui prenant les deux mains.)
Mais laisse-moi te regarder ! (Nouvel élan.)
Ah ! (Il la serre contre sa poitrine. Et à part.)
Oh ! elle a un coup de vieux !

MADAME JAMBART (émue. )
Alors, c'est vous ?

JAMBART
Oui, ça t'étonne ! eh !… Et moi donc, je me demande si je rêve ! J'en ai vu de rudes, va !

MADAME JAMBART
On m'avait dit que tu avais été mangé par les poissons.

JAMBART
Non, j'ai manqué seulement. Quand je suis tombé à l'eau, j'ai vu un requin qui me reluquait; alors je me suis dit : "Toi, mon vieux, tu veux me goûter, eh?" Et au moment où il se retournait, je l'ai étranglé ! Ça a fait un exemple. Quand les autres ont vu ça, il se sont dit : "C'est un homme de Marseille, ne nous y frottons pas."
(Il passe devant Mme JAMBART et va au n° 2.)

MADAME JAMBART
Vraiment ?

JAMBART
Mais je te raconterai ça. (Retournant à Mme JAMBART et derrière elle, lui parlant par-dessus l'épaule, tous deux face au public.)
En ce moment, je suis tout à la joie de te revoir. Si tu savais quel trésor de tendresse, d'amour, je t'apporte. J'en ai fait collection !

MADAME JAMBART
Ah !

JAMBART
Je te rapporte tout.

MADAME JAMBART (distraite. )
Vous êtes bien gentil d'avoir pensé à moi.

JAMBART
Allons, Frédégonde, sur mon sein.

MADAME JAMBART
Ah ! mon Dieu ! Et l'autre qui est par là !

JAMBART
Mais qu'est-ce que tu as ? Je te trouve froide !

MADAME JAMBART
Moi ?

JAMBART
Que diable ! après deux ans de séparation, tu me marchandes les baisers. Est-ce que tu ne m'aimes plus ?

MADAME JAMBART (hésite, puis. )
Si.

JAMBART (derrière Mme JAMBART, lui parlant par-dessus l'épaule. )
Ah ! c'est qu'il va falloir rattraper le temps perdu. Il va falloir aimer pour deux.

MADAME JAMBART (passant au n° 2. )
Ah ! oui, pour deux !

JAMBART (à part. )
Décidément, elle est froide. (Voyant la robe de mariée sur le mannequin.)
Mais qu'est-ce que c'est que cette robe ?

MADAME JAMBART (embarrassée. )
Ça ?… c'est une robe de mariée !

JAMBART
Je le vois bien. Eh, parbleu ! j'y suis !… c'est pour Virginie ! Hé ! c'est Virginie qui se marie !

MADAME JAMBART
Oui, oui, justement.

JAMBART
Ah ! où est-elle cette brave enfant ? Elle doit avoir grandi. (Remontant et appelant.)
Virginie ! Virginie !

MADAME JAMBART (à part, passant au n° 1. )
Ah! mon Dieu ! Je n'oserai jamais lui avouer.

JAMBART (allant à la porte de droite et appelant. )
Virginie ! Eh ! Virginie !

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