ACTE I - SCENE XII



LES MEMES, FLAMECHE, puis PLANTUREL.

VIRGINIE
Maman, j'en aime un autre.

MADAME JAMBART
Eh! bien, tu changeras d'affection!… Le cœur, ça se déplace.

BRIGOT (à l'extrême gauche. )
Ah! il promet d'être gai, ce ménage-là!

MADAME JAMBART (à VIRGINIE. )
Tu comprends, maintenant c'est trop tard. Le maire va vous unir.

BARILLON (qui a entendu la dernière phrase, à part. )
Ah! mon Dieu, le maire!… S'il me reconnaît, je suis perdu!… Comment faire?

FLAMECHE
M. le Maire va venir. Si vous voulez prendre place!

BARILLON
Pourquoi, prendre place?

FLAMECHE
Pour le mariage.

BARILLON (s'épongeant avec son mouchoir. )
Oh! je n'y échapperai pas.

FLAMECHE (indiquant à chacun sa place respective. )
Madame la mariée, ici! Monsieur le marié, ici!
(BRIGOT conduit VIRGINIE à son fauteuil; BARILLON, avant de prendre le sien, conduit Mme JAMBART à sa place, soit au premier fauteuil de la première file de gauche. BRIGOT s'assied sur la chaise à gauche de Mme JAMBART. Le reste de la noce s'assied.)

BARILLON
Le maire! Ah! mon Dieu! mon Dieu!
(Il met son mouchoir en bandeau autour de sa figure.)

MADAME JAMBART
Eh! bien, qu'est-ce qui vous prend? 'BARILLON. Rien ! J'ai mal aux dents. (A part.)
Comme ça, il ne me reconnaîtra pas.
(Entrée dé PLANTUREL.)

FLAMECHE (à la noce. )
Levez-vous!
(Tout le monde se lève.)

PLANTUREL (sur l'estrade. )
Asseyez-vous !
(On s'assied.)

BARILLON
Eh bien ! ce n'était pas la peine !

PLANTUREL (bas, à FLAMECHE. )
Dites donc, si mes témoins venaient me demander, qu'on vienne me chercher.

FLAMECHE
Bien, monsieur le Maire.
(Il sort.)

PLANTUREL (à la noce. )
C'est bien le mariage Barillon?

TOUS
Oui, monsieur le Maire!

BARILLON (avec une voix de tête. )
Oui! oui!

PLANTUREL (désignant BARILLON. )
C'est monsieur qui est l'époux?

BARILLON (même jeu. )
Oui! oui!

PLANTUREL
Est-ce que vous êtes malade, monsieur Barillon?

BARILLON (même jeu. )
Oui, monsieur le Maire, j'ai une fluxion!

TOUS
Qu'est-ce qu'il a?

BARILLON (même jeu, à Mme JAMBART. )
Rien!… C'est mon mal de dents!… J'ai pris froid, et quand on prend froid, on s'enroue.

PLANTUREL (à part. )
Eh bien! s'il a jamais des enfants, avec cette voix-là, ça ne sera pas de sa faute!

BARILLON (à part)
Je suis en nage!

PLANTUREL
Nous allons vous donner lecture de l'acte de mariage. (Lisant.)
"L'an 1889, 1er avril, à midi, devant nous, maire et officier de l'Etat civil du VIIIe arrondissement de Paris, et dans la maison dudit lieu, ont comparu le sieur Barillon Jean-Gustave, domicilié à Paris, dans le présent arrondissement, majeur, âgé de 40 ans révolus, né à Paris le 8 mars 1849, fils légitime de Barillon Anatole et de…"

FLAMECHE (entrant, à mi-voix, à PLANTUREL)
Monsieur!… Il y a là deux personnes qui demandent à vous parler.

PLANTUREL (déposant brusquement son registre. )
Sapristi! Ce sont mes témoins! (A la noce.)
Je vous demande pardon, un moment! Un moment!
(Il sort précipitamment.)

TOUS
Hein!

BRIGOT
Ah, çà! Il est malade?
(Conversation générale.)

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