ACTE PREMIER - Scène VI
(SAINT-FLORIMOND PUIS CHAMEL PUIS SINGLETON ET MAURICETTE)
SAINT-FLORIMOND(se précipitant en scène. )
Les Chamel ! voilà les Chamel ! Ils montent l'escalier !… où me cacher ?
(Il se cache derrière le canapé en laissant passer sa tête par-dessus le dossier. )
CHAMEL( accent suisse, avec Singleton et Mauricette, paraissant à la porte d'entrée du fond. )
Eh ! bien, voyons, Champignol !
TOUS(apercevant Saint-Florimond. )
Ah !… le voilà.
SAINT-FLORIMOND(à part. )
Ça y est ! pincé ! (Haut, allant aux Chamel.)
Vous ! Ah ! la bonne surprise !
CHAMEL( descendant au n° 3. )
Fus ne nus entendiez donc pas ? Nus fus abbelions.
SAINT-FLORIMOND(descendant au n° 4. )
Comment ! c'était vous ? Ah ! c'est curieux, je croyais que ça venait d'en haut. Aussi, je courais…
CHAMEL( bien réjoui. )
C'était nous ! foui ! foui !
(Pendant les répliques précédentes, Mauricette est descendue au n° 1 et Singleton au n° 2. )
MAURICETTE
Bonjour, M. Champignol.
SINGLETON
Bonjour, M. Champignol.
SAINT-FLORIMOND(avec une joie affectée. )
Bonjour ! Ah ! là ! là ! la bonne surprise ! (À part, au public, en passant au n° 4.)
Non ! et vous croyez que c'est facile de sortir d'une maison ?
CHAMEL
Ah ! ah ! Vous ne nous attendiez pas, hein ?
SAINT-FLORIMOND
S'il faut vous dire franchement le fond de ma pensée… non !
CHAMEL
Là ! Tu fois, Mauricette, je te l'avais dit ! Il ne nus attendra pas, ton cusin !
SINGLETON
Il faut vous dire que je vais faire mes vingt-huit jours.
MAURICETTE
Comme c'est amusant pour de nouveaux mariés !
CHAMEL
Tais-toi, petite ! un peu de séparation, c'est pon pour les nouveaux mariés. Fus n'imaginez pas. Champignol ! Ils sont tégoûtants, ces petits !… C'est des moineaux !
SINGLETON
Oh ! bien, des jeunes mariés ! C'est bien permis.
(Il embrasse Mauricette. )
SAINT-FLORIMOND
Mais oui… ! mais oui ! Et puis, ça passera !… Dites donc, vous ne voulez pas venir faire un tour ?
CHAMEL
Mais non ! Pas di tout ! Pas di tout !
(Il s'assoit sur la chaise qui est à gauche de la table de droite. )
SINGLETON
Nous aimons mieux nous reposer.
(Il s'assoit au n° 2 sur le canapé de gauche, Mauricette à côté de lui, au n° 1. )
SAINT-FLORIMOND(à part. )
Oh ! là ! là ! Qu'est-ce qu'elle va dire, Angèle, quand elle va me retrouver là ! Et avec la famille !
CHAMEL
Fus comprenez ! Nous avons déjà voyagé, et encore tout à l'heure, il faut que nous prenions le train de dix heures pour le pétit, qui va faire ses vingt-huit jours à Clermont, alors, nous afons dit : nous afons une heure à rester à Paris, nous allons aller la passer chez les cusins.
SAINT-FLORIMOND
Ah ! c'est une bonne idée ! Je disais justement à madame Champignol : on ne verra donc jamais les Chamel ?
CHAMEL( se levant et descendant en scène n° 3. )
Eh ! bien les foilà, les Chamel ! les foilà ! (À Singleton et à Mauricette qui s'embrassent.)
Allons, tenez- vous, les pétits.
MAURICETTE
Mais ne vous occupez donc pas de nous !
CHAMEL
Mais, à propos, et Anchèle ?
SAINT-FLORIMOND
Anchèle ?
CHAMEL
Eh ! bien foui, Anchèle, votre femme !
SAINT-FLORIMOND
Ah ! oui, Anchèle, ma femme !
CHAMEL
Est-ce qu'on ne va pas la foir ?
SAINT-FLORIMOND
Eh ! bien, non ! je ne crois pas ! Elle est souffrante !
MAURICETTE( se levant et descendant, )
Souffrante ?
SINGLETON( même jeu. )
Qu'est-ce qu'elle a ?
SAINT-FLORIMOND
Je ne sais pas… Depuis quelque temps, elle éprouve des vertiges, des nausées… des douleurs dans les reins.
CHAMEL( lui portant des bottes, en riant. )
Je comprends ! Mes compliments, mon cher !
SAINT-FLORIMOND
Qu'est-ce qui lui prend ?
CHAMEL
Oui ! oui ! je comprends !
SAINT-FLORIMOND
Oui ! Eh bien ! il a de la chance !