ACTE II - Scène XII
(CAMARET CHAMEL SAINT-FLORIMOND PUIS CHAMPIGNOL)
CAMARET( à Saint-Florimond. )
Allons ! installez tout votre fourniment !
(Il remonte au fond. )
SAINT-FLORIMOND(débouclant son sac. )
Ah ! là ! là ! Quelle situation !
CHAMEL( installant le chevalet et plaçant le pinchard. )
Attendez ! che vais vous aider !
SAINT-FLORIMOND
Mais non, ce n'est pas si pressé que cela !
CAMARET( redescendant au n° 3. )
Comment, ce n'est pas pressé ! Allons, voyons, comment allez-vous me faire ?
SAINT-FLORIMOND(à part. )
Ah ! je me le demande, mon Dieu ! je me le demande !
CAMARET
Voyons, indiquez-moi la pose… tenez, comme ça, cela vous va-t-il ?
(Il prend une pose. )
SAINT-FLORIMOND
Ouh ! Ouh ! Je vous aimerais mieux assis !
CAMARET
Ah ! bien, c'est une idée ! moi aussi, j'aime mieux ça, pour poser !… Allez me chercher une chaise !
SAINT-FLORIMOND
Tout de suite, mon Capitaine…
(Il entre à l'hôtel. Camaret et Chamel sont sur les marches de l'hôtel, attendant. )
BELOUETTE(entrant de gauche, derrière l'hôtel, avec Champignol. )
Allons, venez !
CHAMPIGNOL
Voilà, sergent ! qu'est-ce qu'on me veut ? (Bélouette entre dans la première baraque de droite. Apercevant le chevalet installé à gauche.)
Un chevalet ! hein ! mais c'est le mien ! Ce sont mes affaires ; on ne se gêne pas ici !
(Il s'empare de la boîte de couleurs, du chevalet, du pinchard, met tout cela sous son bras et se dirige vers la première baraque de droite. )
CAMARET( toujours sur les marches de l'hôtel, apercevant Champignol. )
Eh bien ! dites donc là-bas… Qu'est-ce qui vous prend ? Vous êtes fou ?
CHAMPIGNOL(revenant sur ses pas. )
Mais, mon Capitaine…
CAMARET
Ah ! c'est le loustic ! Vous voulez vous faire remarquer… Voulez-vous bien laisser ça !
CHAMPIGNOL
Cependant.
CAMARET
Je vous dis de laisser ça. (Champignol replace à gauche, premier plan, en maugréant, le chevalet, la toile, le pinchard et la boîte à couleurs.)
Et puis, fichez-moi le camp de là !…
CHAMPIGNOL(il se dirige vers la droite. )
Mais c'est de l'arbitraire, c'est de l'arbitraire !
CAMARET
Qu'est-ce qui m'a donné des polichinelles pareils ?
BELOUETTE(ressortant de la première baraque. )
Dites-donc, le réserviste !
CHAMPIGNOL
Sergent !
BELOUETTE(l'air bonhomme. )
Vous n'avez encore rien pris, ce matin ?
CHAMPIGNOL
Ah ! non sergent, non, justement, je n'ai rien pris.
BELOUETTE(prenant dans l'intérieur de la baraque, un balai qu'il donne à Champignol. )
Eh bien ! prenez ce balai, et venez balayer la chambrée.
CHAMPIGNOL
Moi ?
BELOUETTE
Oui, et plus vite que ça !
CHAMPIGNOL
Ah ! mon Dieu ! Si le jury de peinture me voyait !
(Il entre dans la baraque, en passant devant Bélouette qui entre à sa suite. )