ACTE II - Scène XV
(LES MEMES CAMARET PUIS CHAMEL LEDOUX ET LES RESERVISTES PUIS SAINT-FLORIMOND ACCOURANT DU FOND A DROITE)
CAMARET( sortant de l'hôtel. )
Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi ces cris ?
PRINCE(toujours sur le devant de la scène, très tranquillement. )
C'est un pêcheur qui est tombé à l'eau.
CAMARET
Un pêcheur ! et vous êtes là ! Voulez-vous bien courir !… Où est-il ce pêcheur ? Où est-il ?
(Chamel entre de gauche, troisième plan, soutenu par Singleton et entouré de Ledoux et de tous les réservistes ; il est trempé, il éternue comme un homme qui a avalé de l'eau. )
LEDOUX
Venez ! par là ! par là !
SINGLETON
Venez, beau-père !
CAMARET
Monsieur Chamel !
CHAMEL( éternuant. )
Atchim !… Atchim !… je suis noyé ! je suis noyé !
CAMARET
Comment, c'est vous, monsieur Chamel !
CHAMEL
Capitaine !… ah ! Capitaine ! quel plongeon ! Laissez-moi vous raconter.
CAMARET
Mais non ! vous me raconterez ça plus tard ! vous ne pouvez pas rester dans cet état-là… vous êtes trempé… (Aux réservistes.)
Emmenez-le par là ! bonchonnez-le ! (À Chamel :)
Voulez-vous prendre quelque chose ?
CHAMEL
Oui, un krog !
LEDOUX
Je vais vous chercher ça.
(Il entre à la cantine. )
SINGLETON( à Chamel. )
Allons, venez !
CHAMEL( sortant par la droite, deuxième plan. )
Ah ! quel plongeon ! quel plongeon !
(Il sort en éternuant. )
CAMARET
Eh bien ! il est dans un joli état ! (Apercevant Saint-Florimond qui vient de droite, troisième plan.)
Ah ! vous voilà, vous ! vous arrivez bien ! votre oncle vient de tomber à l'eau…
SAINT-FLORIMOND(descendant au n° 2. )
Mon oncle !… mais je n'ai pas d'oncle !
CAMARET
Comment, vous n'avez pas d'oncle !… M. Chamel !
SAINT-FLORIMOND
Ah ! Chamel !… c'est… c'est l'oncle de ma femme. C'est pour ça que… Ah ! il est tombé à l'eau. Tiens !… Tiens !… Tiens !… (Après un temps, d'un air indifférent.)
Il est mort ?
CAMARET
Comment, il est mort ! en voilà un neveu ! Non, il n'est pas mort, seulement, il est trempé !… voulez- vous bien courir !
SAINT-FLORIMOND
Oui ! oui ! oui !
CAMARET
Et bien ! dites donc ! Et vos cheveux, c'est comme ça qu'on les a coupés ?
SAINT-FLORIMOND(ôtant son képi. )
Non, pas encore !
CAMARET
Comment, "pas encore" !
SAINT-FLORIMOND(entrant dans la première baraque. )
Ah ! ce pauvre oncle ! il est tombé à l'eau ! Tiens, tiens, tiens !
CAMARET
Comment ! on ne lui a pas coupé les cheveux ! Ah ! c'est par trop fort ! je vais attraper l'adjudant !
LEDOUX(sortant de la cantine et descend au n° 2. )
Voilà le grog !
CAMARET
Adjudant Ledoux, il me semble que je vous avais dit de faire couper les cheveux au soldat Champignol !
LEDOUX
Oui, mon Capitaine !… on est en train !
CAMARET
Pas vrai !… Vous me ferez deux jours de consigne pour n'avoir pas exécuté mes ordres !
LEDOUX
Mais, mon Capitaine !…
CAMARET
Silence !… En voilà assez !…
(Il entre à l'hôtel. )