ACTE III - Scène première


(Un petit salon, porte au fond sur l'antichambre.  À droite, premier plan, autre porte.  Deuxième plan, porte en pan coupé donnant sur les autres salons.  À gauche, premier plan, porte donnant sur l'appartement de madame Rivolet…  Deuxième plan, un buffet servi pour la soirée et placé de biais.  Derrière le buffet, porte donnant sur l'office.  Lustre au fond. )


(UN DOMESTIQUE PRINCE PUIS CELESTIN PUIS ADRIENNE PUIS CAMARET)

(Au lever du rideau, le Prince, toujours en tenue militaire, et monté sur une échelle double, est en train d'arranger le lustre. L'échelle est placée de telle façon que la figure du prince est masquée par le lustre ; on n'aperçoit que ses jambes. Jérôme, placé entre l'échelle et le buffet, le regarde travailler. )


CELESTIN(en smoking, venant de droite, deuxième plan.  )
Jérôme ! Eh bien ! voyons, Jérôme !

JEROME
Monsieur ?

CELESTIN(à Jérôme qui regarde travailler le prince.  )
Tiens ! Qu'est-ce qu'il y a donc ?

JEROME( indiquant le prince qui est au haut de l'échelle.  )
C'est le planton que monsieur le capitaine a envoyé qui est en train d'arranger le lustre.

CELESTIN
Ah ! bon ! Eh bien ! voyons, et les rafraîchissements ?

JEROME( passant derrière le buffet qu'il prépare pendant ce qui suit.  )
Je les prépare, monsieur !

CELESTIN(allant au buffet.  )
Eh bien ! dépêchez-vous, tout le monde les réclame !

ADRIENNE( en toilette de soirée, venant de droite deuxième plan et redescendant au n° 3, à côté de Célestin, entre le buffet et l'échelle.  )
Dis donc, Célestin, tu devrais bien dire qu'on passe des rafraîchissements ! Ils ont l'air de mourir de soif par là !…

CELESTIN
Justement, c'est ce que je disais à Jérôme !

CAMARET( en habit, venant de droite, deuxième plan.  )
Eh ! Célestin ! Tu ne vas pas faire porter les rafraîchissements ? Nous avons la pépie, là-dedans !

CELESTIN
Si mon oncle ! si ! Je viens de dire…

CAMARET( à Jérôme se dirigeant vers le buffet en passant sous l'échelle.  )
Ah ! bien, dépêchez-vous, parce qu'on crève de soif ! (Arrivé sous l'échelle, il s'arrête.)
Dites donc, le planton que ma sœur, madame Rivolet, m'a demandé de vous envoyer, est-il arrivé ?

JEROME
Oui, mon Capitaine ! Il arrange le lustre.
(Il indique le Prince. )


CAMARET( levant la tête.  )
Ah ! ah ! eh bien, ne vous gênez pas pour l'employer, si vous en avez besoin pour rincer les verres, nettoyer la vaisselle, à votre disposition. (Au Prince.)
N'est-ce pas, planton ?

PRINCE(du haut de son échelle.  )
Mon capitaine ?

CAMARET
Comment vous appelez-vous, déjà ?

PRINCE
Prince de Valence.

CAMARET
C'est juste ! eh bien, prince de Valence, vous vous tiendrez à la cuisine, n'est-ce pas ? À la disposition du maître d'hôtel !

PRINCE
Bien, mon Capitaine ! (À part.)
Très honoré !

CAMARET
Vous aiderez à nettoyer les verres !… vous savez nettoyer les verres ?

PRINCE(descendant de l'échelle.  )
On a négligé de me l'apprendre, mon Capitaine.

CAMARET
Eh bien ! on vous montrera ! Allez !

PRINCE(sortant par le fond en emportant l'échelle.  )
Quelle décadence !

CAMARET( à Jérôme.  )
Allons, venez, vous ! apportez votre plateau !

JEROME
Voilà, mon Capitaine !
(Il passe derrière Camaret et se dirige vers la droite avec son plateau. )


CAMARET
Eh là ! Pas si vite. (Jérôme s'arrête au n° 4, Camaret prend un rafraîchissement.)
Ce n'est pas comme dans l'Evangile ici, les premiers… sont sûrs d'être les premiers. (Jérôme entre à droite, deuxième plan, à Célestin.)
Pristi ! Sais-tu qu'il commence à faire chaud par là !

CELESTIN(passant devant Adrienne et se trouvant au n° 2.  )
Dame, mon oncle ! le tout Clermont est là !

CAMARET
Dis donc, et ton fameux Saint-Florimond ?

CELESTIN
Le fait est qu'il n'arrive pas vite pour un prétendu.

ADRIENNE( à part.  )
Est-il pressé de le voir arriver !

CAMARET
Est-ce que tu le connais, toi, ce Saint-Florimond ?

CELESTIN
Non ! il n'y a que maman !… c'est même ce qu'il y a de gênant ! C'est que, maman malade… c'est moi qui vais être obligé de vous le présenter, et je ne l'ai jamais vu…

CAMARET
Ah ! bien, tu le reconnaîtras… à son nom !… Je rentre dans le gouffre ! Quand il arrivera, tu m'appelleras !

CELESTIN
Oui, mon oncle.
(Camaret sort par la porte, deuxième plan. )

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