ACTE III - SCENE XVII



LES MEMES, DARDILLON, JOSEPH

SIMONE
Ernest ! Qu'est-ce que vous avez ?

DARDILLON
Oh ! prenez garde ! oh ! la ! la ! oh ! la ! la !

MADAME PAGINET
Vous êtes blessé ?… expliquez-vous !…

DARDILLON
Tout à l'heure !… un siège !… un siège !…

MADAME PAGINET
(faisant asseoir DARDILLON)
Tenez ! là ! là !
(JOSEPH sort.)

DARDILLON
Merci !…

MADAME PAGINET et SIMONE
Ah, çà ! qu'est-ce qui vous est arrivé ?

DARDILLON
Je ne le sais pas moi-même ce qui m'est arrivé !… Je sais que je m'en allais, le cœur désespéré, pour me précipiter sous les roues de la première voiture que je rencontrerais…

MADAME PAGINET
Malheureux !

DARDILLON
Oui, malheureux !… J'en avais déjà rencontré plusieurs, seulement c'étaient des fiacres !… Ils n'allaient pas !… Enfin, la chance se met à me sourire; j'aperçois une superbe voiture emballée !… Les gens criaient dans la voiture ! le cocher hurlait sur le siège !… Je me dis :
C'est le ciel qui me l'envoie, celle-là ! en voilà une à qui je n'échapperai pas !… Et vlan ! je me précipite sous les jambes des chevaux.

MADAME PAGINET et SIMONE
Ah !

DARDILLON
Vous croyez peut-être que j'ai été écrasé ! que j'ai été tué sur le coup ! Eh bien ! non ! J'aime mieux vous le dire tout de suite !… Non!

MADAME PAGINET
Ah ! vous nous rassurez !…

DARDILLON
Mais le malheur me poursuivait ! les jambes des chevaux s'embarrassent dans les miennes ! Ils trébuchent, roulent sur moi ! les voilà par terre, je me sens cinq cents kilos de chevaux sur le corps ! puis des cris, des hommes de tous les côtés ! On me prend, on m'emporte, et tout autour de moi j'entends des louanges ! des cris enthousiastes ! Bravo ! Bravo ! C'est un héros ! Il a sauvé le ministre !

SIMONE
Vous avez sauvé le ministre ?

DARDILLON
Ah ! Je ne l'ai pas fait exprès, je vous le jure ! et là-dessus des questions ! "Qui
(êtes-vous ? Où faut-il vous conduire ? " Mais je sens que mes forces m'abandonnent, je n'ai que le temps de jeter ces mots pour qu'on me ramène chez vous : "Docteur Paginet, 5, place Louvois…")
Je perds connaissance et me voilà !…

SIMONE
Ah ! mon pauvre Ernest !…

MADAME PAGINET
Mais aussi, insensé que vous êtes, ce n'est pas raisonnable d'aller se jeter sous des pieds de chevaux ! Vous auriez pu être tué!…

DARDILLON
C'est ce que je cherchais, Madame !

MADAME PAGINET
Tenez !… venez par là !… cela vous fera du bien de vous étendre un peu !…

DARDILLON
Oui ! Je veux bien ! (Remontant, soutenu par MADAME PAGINET et SIMONE)
Oh ! que j'ai mal ! Oh ! que j'ai mal !

MADAME PAGINET
(appelant. )
Joseph ! Joseph !

JOSEPH
(paraissant. )
Madame ?…

MADAME PAGINET
(à JOSEPH)
Apportez un verre de cognac pour réconforter Monsieur.

JOSEPH
Le bon ?…

DARDILLON
(d'une voix éteinte. )
Oui ! le bon !… le bon !…
(Il sort avec MADAME PAGINET et SIMONE)

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