ACTE I - SCENE VII
PAGINET, MADAME PAGINET, PLUMAREL
PAGINET
Je vous en prie, mon ami ! Faites attention à vos paroles ! Vous alliez parler de ma décoration devant ce jeune homme ! Qu'est-ce qu'il va penser, ce garçon!… Alors, quoi, qu'est-ce qu'il y a de neuf ?
PLUMAREL
Eh bien ! mon cher, je crois que cette fois-ci l'affaire est dans le sac !
PAGINET
Vrai ! vous avez vu le ministre ?
PLUMAREL
Oui, j'ai vu mon oncle. Tout va bien.
PAGINET
Ah ! quelle joie ! Mais vous savez, Plumarel, je n'oublierai pas !… Je ne suis pas un ingrat, moi ! Vous me comprenez, n'est-ce pas ? Vous me comprenez ?
MADAME PAGINET
Quoi donc ?
PAGINET
Rien, il me comprend, il me comprend ! Ah ! mon cher Plumarel.
PLUMAREL
Oh ! mais remerciez aussi madame Paginet !… si elle n'avait pas parlé à mon oncle comme elle l'a fait hier…
PAGINET
Tu as parlé au ministre ?
MADAME PAGINET
Oh ! un mot, hier, à la distribution des prix de notre orphelinat. C'était lui qui présidait.
PAGINET
Ah ! bébé.
MADAME PAGINET
Ça me ferait tant de plaisir de voir mon loulou décoré !
PAGINET
Et à moi donc !… D'abord, ça fera plaisir à Livergin… ce bon Livergin !
PLUMAREL
Qu'est-ce que c'est que Livergin ?
PAGINET
Un vieil ami à moi !… Il y a vingt ans que je le connais.
PLUMAREL
Vingt ans ! Cela crée des liens, ça !
PAGINET
Dame oui ! parce qu'enfin ce Livergin, c'est la plus sale nature, envieux, mesquin…
PLUMAREL
(à part. )
Ah ? bien !… (Haut.)
Mais comment se fait-il que je ne l'aie jamais rencontré ?
PAGINET
Ne vous en plaignez pas… il ne vous aurait plus lâché. C'est un pharmacien de quatre sous qui, sous prétexte qu'il a inventé des pastilles… "Les pastilles Livergin", postule pour la décoration. Ce qu'il remue du monde !… Ce qu'il se fait recommander !… C'est écoeurant !
PLUMAREL
Eh ! bien, alors, vous croyez qu'il sera content de vous voir décoré ?
PAGINET
Lui?… Il sera furieux !… Rien que pour cela, ça me fera plaisir !…