ACTE III - SCENE VIII



LIVERGIN
PAGINET

PAGINET
C'est ça !… Ah ! Livergin ! voilà une compagne dans la vie ! Madame Paginet !

LIVERGIN
A qui le dis-tu, mon cher ! C'est égal ! en vérité, je t'admire !

PAGINET
Pourquoi ?

LIVERGIN
Je ne sais pas… cette bonne humeur !… cet air jovial !… moi, qui m'attendais à te trouver l'air maussade, à avoir à te remonter.

PAGINET
Moi ?… mais je suis très heureux !…

LIVERGIN
Eh ! bien, tu sais, ça, c'est très bien !… ça te fait honneur, il y en a tant à ta place qui se seraient montrés jaloux… parce qu'en somme, après un pareil déboire!…

PAGINET
Ah ! le fait est… !

LIVERGIN
Ah ! mon pauvre ami !… Ce sont là des coups !

PAGINET
Hein ! Crois-tu ?

LIVERGIN
Oh ! je suis révolté !… Je comprends très bien qu'on ne t'ait pas décoré!… mais enfin, il ne fallait pas te mettre l'eau à la bouche !…

PAGINET
Tu es bien bon.

LIVERGIN
Enfin ! Il vaut mieux prendre les choses par leur bon côté. Si tu n'es pas décoré, ta femme l'est. Eh bien ! veux-tu que je te dise, je ne sais pas si au fond ça ne vaut pas mieux.

PAGINET
En quoi ?

LIVERGIN
Dame ! Songe donc, quel éclat cela va donner à ton nom ! Etre l'époux d'une femme supérieure ! Cela va te faire une réclame !

PAGINET
Je ne te dis pas… mais, voyons, entre nous, j'aime beaucoup ma femme, mais elle n'est pas si supérieure que ça.

LIVERGIN
Laisse donc ! On n'est jamais prophète dans son pays; et puis, en somme, elle est décorée ! Il est vrai que ça la met au-dessus de toi, mais enfin, ça t'entraîne à sa remorque.

PAGINET
Oui… je ne dis pas !… C'est une manière de voir !… Mais alors, à ce compte-là, si toi, ta femme était décorée…

LIVERGIN
Oh ! je ne parle pas de moi, ce n'est pas la même chose…

PAGINET
Vraiment !

LIVERGIN
Non, moi j'avoue que je n'aimerais pas voir ma femme décorée, et pas moi ! parce qu'enfin,… qu'est-ce que c'est que le mari d'une Chevalier de la Légion d'Honneur ? Rien ! une quantité négligeable ! On est sous le boisseau.

PAGINET
Oui. Alors, d'après toi, si je comprends bien, je serais sous le boisseau !

LIVERGIN
Eh ! Qu'est-ce que tu veux, mon cher !… un peu !…

PAGINET
Charmant ! Et ce qui n'est pas bon pour toi est assez bon pour moi ?

LIVERGIN
Ah ! là !… Mon Dieu, que tu prends mal les choses. Mais non, voyons! nous envisageons une situation qui est… Eh ! bien, je cherche à le la faire prendre du meilleur côté !

PAGINET
Ah ! Tu es trop charitable !

LIVERGIN
Je te dis : Tu es le mari d'une femme supérieure.

PAGINET
Ah ! laisse-moi tranquille avec ta femme supérieure ! A la lui tu finiras par me faire croire que je suis un idiot !

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