ACTE II - SCENE XII
PAGINET, PLUMAREL
PLUMAREL
(un bouquet à la main. )
Ah ! me voilà !… vous voyez !… J'apporte mon bouquet !… où est ma fiancée ?…
PAGINET
Votre fiancée ? Eh bien ! Vous savez, mon ami, j'ai beaucoup réfléchi !
Décidément je trouve Simone bien jeune.
PLUMAREL
Bien jeune ?…
PAGINET
Oui, nous ne pouvons pas vous marier tout de suite.
PLUMAREL
Mais pourquoi ?
PAGINET
Je vous l'ai dit, parce que je la trouve trop jeune.
PLUMAREL
Mais vous ne la trouviez pas trop jeune tout à l'heure ?
PAGINET
Je ne la trouvais pas… je ne la trouvais pas… parce que je ne m'en étais pas aperçu.
PLUMAREL
Mais alors, quand ?
PAGINET
Plus tard,… quand elle sera grande !… Enfin, quel âge avez-vous donc ?
PLUMAREL
Mais, monsieur, j'ai 28 ans.
PAGINET
Eh ! bien, vous ne pouvez pas attendre que vous en ayez 30, elle en aura 20. Il faut toujours qu'il y ait dix ans de différence entre les époux.
PLUMAREL
Eh bien ! monsieur de 18 à 28.
PAGINET
(interloqué. )
Hein ? de… Ah ! oui !… mais ce n'est pas du tout la même chose. Ce ne sont pas les mêmes dix ans.
PLUMAREL
C'est bien, monsieur, je vois que c'est une fin de non-recevoir.
PAGINET
Mais pas du tout.
PLUMAREL
Je vous avouerai que je ne m'attendais pas à cela. Je croyais qu'après toutes mes démarches pour vous faire décorer !
PAGINET
(s'étalant bien. )
Ah ! là !… C'est ça, dites-le donc !… Je m'y attendais. C'est vous, n'est-ce pas ?… C'est vous seul qui m'avez fait décorer !…
PLUMAREL
Mais, monsieur.
PAGINET
Il y a longtemps qu'il pesait sur votre langue, ce mot-là. Enfin il est sorti, n'est-ce pas, il est sorti.
PLUMAREL
Mais je vous assure.
PAGINET
Oui, oui… c'est entendu !… c'est monsieur qui a tout fait !… c'est monsieur !… J'ai travaillé toute ma vie !… j'ai su mériter tous les titres !… mais c'est monsieur. Il y a dix ans que tous les ministres me portent…
PLUMAREL
Mais je vous répète que vous vous méprenez sur le sens de mes paroles.
PAGINET
Allons donc ! D'ailleurs, il suffit de vous regarder, de voir vos petits airs de protection !…
PLUMAREL
Moi ?
PAGINET
Oui, vous vous promenez en disant : Savez-vous pourquoi Paginet me donne sa nièce ? Parce que je l'ai fait décorer.
PLUMAREL
Moi, j'ai dit ça ?
PAGINET
Vous le dites du regard, ça suffit. Eh bien ! non; monsieur Paginet ne vous donnera pas sa nièce !… puisque vous l'avez fait décorer ! Il ne vous la donnera pas !
PLUMAREL
Ah !
PAGINET
(avec conviction. )
Ah ! je savais bien que j'avais affaire à un ingrat !