ACTE III - Scène XIV
Yvonne (accompagnée de sa mère. À son mari.)
Ah ! c'est trop fort, monsieur ! Il ne vous manquait plus que d'amener vos couturières au domicile conjugal !…
Moulineaux
Hein ! A h ! mais non, mais ils y tiennent ! Où ça ? quelle couturière ?
Yvonne (montrant Rosa.)
Madame !…
Rosa
Moi ?…
Madame Aigreville (montrant Suzanne qui est restée sur le pas de la porte de droite, deuxième plan.)
Non, madame.
Suzanne
Moi !
(Elle descend entre Aubin et Moulineaux.)
Moulineaux
Il faudrait s'entendre, cependant ?
Aubin (montrant Suzanne.)
Pardon, madame est ma femme.
Bassinet (montrant Rosa.)
Et madame est la mienne ; je vous prie d'y réfléchir quand vous parlez d'elle !
Tous
Sa femme !
Bassinet
Parfaitement.
Aubin (faisant passer sa femme à l'extrême droite.)
Sa femme ! et moi qui lui ai remis son portrait ! (À Bassinet.)
Dites donc ! Rendez-moi la photographie.
Bassinet
Hein ! la… Ah ! c'est juste.
(Il retire la photographie de sa poche et veut la regarder.)
Aubin (vivement.)
Oh ! ne la regardez pas !
Bassinet (écartant Aubin de sa main gauche, et tirant le portrait de la main droite.)
Bah ! pourquoi pas ?…
Aubin (insistant.)
Non, je vous en prie !
Bassinet (regardant le portrait.)
Oh !
Aubin (entre ses dents.)
Vlan ça y est !
Bassinet
Oh ! c'est drôle, elle ressemble à ma femme. (À Aubin.)
Vous ne trouvez pas ?
Aubin (prenant l'air dégagé.)
Hein ! ça… oh ! là, non. Elle a bien trop de…
Bassinet (à Moulineaux.)
Oh ! si regardez donc. Vous ne trouvez pas que ça ressemble à ma femme ?…
Moulineaux
Ca ! ah bien ! ça n'a pas assez de…
Bassinet (à sa femme.)
Enfin, regarde, toi !
Rosa
Oh ! mon ami, tu es dur pour moi !
Bassinet
Comment, vraiment ?… au fait, c'est vrai !… ça ne te ressemble pas du tout.
Suzanne (à Aubin.)
Comment, alors tout ça c'est donc vrai ?…
Aubin
Mais je te le répète depuis une heure.
Suzanne
Ah ! mon cher Anatole !
Aubin
Va, je te pardonne.
Yvonne
Et moi, me pardonneras-tu ?
Moulineaux
Oh ! ne me demande pas pardon, ce serait trop !
Madame Aigreville
Sont-ils bêtes !… heureusement que je suis là, sans ça, ça recommencerait demain.
Yvonne
Mon cher mari !
Moulineaux (tressautant.)
Haigne ! !
Aubin (auquel les paroles d'Yvonne n'ont pas échappé.)
Son mari ?… mais alors le docteur Moulineaux…
Moulineaux (embarrassé.)
Euh ! le docteur ?
Bassinet (montrant Moulineaux.)
Eh bien ! c'est lui, parbleu !
Moulineaux
L'imbécile !
Aubin
Je vous croyais couturier.
Moulineaux (en confidence à Aubin.)
Chut ! oui, je l'ai été… par procuration. C'est ma tante qui était couturière.
Aubin
Oui ? Fallait donc le dire !
Moulineaux
Je ne le pouvais pas.
Aubin
Et pourquoi ça ?
Moulineaux
Pour ma famille, c'est une tante naturelle !
(FIN)