ACTE II - Scène XII
Madame d'Herblay (entrant timidement.)
C'est encore moi ! Je viens voir si vous êtes moins occupé pour ma jaquette Aubin s'assied sur le canapé.
Moulineaux (saisissant la balle au bond.)
Comment donc, madame, entrez donc !… (À Aubin.)
Si je suis couturier moi, ah ! bien !
Madame d'Herblay
Tiens ! il est aimable ! (À Aubin.)
Vous permettez, monsieur ?
Aubin
Faites donc, madame.
Madame d'Herblay (présentant son dos à Moulineaux.)
Vous voyez, ce corsage me va très mal, il plisse.
Moulineaux (avec conviction.)
Ah ! Oui !… oui, il plisse énormément.
Madame d'Herblay
C'est beaucoup trop large. C'est sans doute vous qui l'avez coupé !… Il faudrait que vous me le recoupiez.
Moulineaux (ahuri.)
Moi ?…
Madame d'Herblay
Oui, et tout de suite parce que c'est pressé.
Moulineaux (même jeu.)
Ah ! il faut que je coupe…
Aubin
Eh ! bien, oui, Qu'est-ce qui vous arrête ?
Moulineaux
Moi ? Ah ! rien du tout !… Ah ! vous voulez que je coupe !… Attendez.(Il va prendre les ciseaux et commence à tailler la jaquette.)
Qu'est-ce que je vais faire, mon Dieu !
Madame d'Herblay
Ah ! mon Dieu ! qu'allez-vous faire ?
Moulineaux
Oui ! c'est précisément ce que je… Mais c'est vous qui voulez que je coupe !…
Madame d'Herblay
Non. Vous avez vu ce qu'il y a à faire, vous l'enverrez prendre. (Elle remonte puis descend.)
Ah ! seulement, je ne demeure plus où j'habitais.
Moulineaux (abruti.)
Ah ! bon.
Madame d'Herblay
Non, je demeure un étage au-dessus. Au revoir, messieurs !
(Elle sort.)
Moulineaux (abruti)
:.
Merci du renseignement.
(Il reste les yeux fixes, l'esprit ailleurs, ouvrant et fermant machinalement ses ciseaux.)
Aubin (le considérant en riant.)
Non, mais a-t-il l'air assez ahuri !… (Se levant, à Moulineaux.)
Vous savez ce qu'on m'a dit pour vous ?… Vous devriez prendre des douches.
Moulineaux (le regardant ahuri.)
Moi ! qui est-ce qui a dit ça ?
Aubin
Moulineaux !
Moulineaux (relève la tête et le considère un instant pour voir s'il a toute sa raison.)
Moulineaux !
Aubin
Oui, le docteur Moulineaux que je quitte à l'instant.
Moulineaux
Ah ! vous le quittez ?… (Après un instant.)
Vous êtes malade, vous !
Aubin
Pourquoi ? parce que j'ai vu le médecin, ce n'est pas une raison, ça !… Je l'ai rencontré par hasard.
Moulineaux (redescendant à droite.)
Ah ! bien ! j'en ai entendu de fortes, mais comme ça, jamais !