ACTE PREMIER - Scène II
(LUBIN, LA MARQUISE, LISETTE.)
Lubin
Madame, pardonnez l'embarras…
Lisette
Abrège, abrège, il t'appartient bien d'embarrasser madame !
Lubin
Il vous appartient bien de m'interrompre, m'amie ; est-ce qu'il ne m'est pas libre d'être honnête ?
La Marquise
Finis, de quoi s'agit-il ?
Lubin
Il s'agit, madame, que monsieur le chevalier m'a dit… ce que votre femme de chambre m'a fait oublier.
Lisette
Quel original !
Lubin
Cela est vrai ; mais quand la colère me prend, ordinairement la mémoire me quitte.
La Marquise
Retourne donc savoir ce que tu me veux.
Lubin
Oh ! ce n'est pas la peine, madame, et je m'en ressouviens à cette heure ; c'est que nous arrivâmes hier tous deux à Paris, monsieur le chevalier et moi, et que nous en partons demain pour n'y revenir jamais ; ce qui fait que monsieur le chevalier vous mande, que vous ayez à trouver bon qu'il ne vous voie point cette après-dînée, et qu'il ne vous assure point de ses respects, sinon ce matin, si cela ne vous déplaisait pas, pour vous dire adieu, à cause de l'incommodité de ses embarras.
Lisette
Tout ce galimatias-là signifie que monsieur le chevalier souhaiterait vous voir à présent.
La Marquise
Sais-tu ce qu'il a à me dire ? Car je suis dans l'affliction.
Lubin (d'un ton triste, et à la fin pleurant.)
Il a à vous dire que vous ayez la bonté de l'entretenir un quart d'heure ; pour ce qui est d'affliction, ne vous embarrassez pas, madame, il ne nuira pas à la vôtre ; au contraire, car il est encore plus triste que vous, et moi aussi ; nous faisons compassion à tout le monde.
Lisette
Mais, en effet, je crois qu'il pleure.
Lubin
Oh ! vous ne voyez rien, je pleure bien autrement quand je suis seul ; mais je me retiens par honnêteté.
Lisette
Tais-toi.
La Marquise
Dis à ton maître qu'il peut venir, et que je l'attends ; et vous, Lisette, quand monsieur Hortensius sera revenu, qu'il vienne sur-le-champ me montrer les livres qu'il a dû m'acheter. (Elle soupire en s'en allant.)
Ah !