L'Île de la raison, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1727, se déroule sur une île imaginaire gouvernée par la raison et la vérité, où les habitants vivent selon des lois strictement rationnelles. L'intrigue débute lorsque des naufragés venus d’un monde corrompu, dominé par les passions et les conventions sociales, échouent sur cette île. Parmi eux se trouvent des personnages qui incarnent les travers de leur société, tels que l'orgueil, l'hypocrisie ou la vanité.
Les habitants de l’île, étrangers à ces défauts, obligent les naufragés à se confronter à leurs propres contradictions et à abandonner leurs faux-semblants. À travers des situations où chaque personnage est amené à justifier ses comportements et à faire preuve de sincérité, la pièce met en lumière les absurdités des normes sociales et les dangers des illusions que les hommes cultivent pour fuir la vérité.
Avec son cadre utopique, L'Île de la raison est une satire douce-amère des sociétés humaines, où Marivaux interroge avec humour et subtilité les notions de justice, de vérité et de moralité. Les naufragés, peu à peu transformés par cette confrontation, révèlent les tensions entre les aspirations idéales et les réalités imparfaites de l’âme humaine.
(LE MARQUIS, LE CHEVALIER)LE MARQUIS (, tenant le Chevalier par la main.)Parbleu, Chevalier, je suis charmé de te trouver ici, nous causerons ensemble, en attendant que la comédie commence.LE CHEVALIERDe tout mon cœur, Marquis.LE MARQUISLa pièce que nous allons voir...
(LE MARQUIS, LE CHEVALIER, LA COMTESSE, LE CONSEILLER)LA COMTESSEAh ! vous voilà, Marquis ! Bonjour, Chevalier ; êtes-vous venu avec des dames ?LE MARQUISNon, Madame, et nous n'avons fait que nous rencontrer tous deux.LA COMTESSEJ'ai préféré la comédie à la...
(TOUS LES ACTEURS)LA COMTESSE (, à l'acteur.)Monsieur ! Monsieur ! Voulez-vous bien nous dire ce que c'est que vos Petits Hommes ? Où les avez-vous pris ?L'ACTEURDans la fiction, Madame.LE CONSEILLERJe me suis bien douté qu'ils n'étaient pas réellement petits.L'ACTEURCela...
(UN INSULAIRE, LES HUIT EUROPÉENS)L'INSULAIRETenez, petites créatures, mettez-vous là en attendant que le gouverneur vienne vous voir : vous n'êtes plus à moi ; je vous ai donné à lui, adieu ; je vous reverrai encore, avant de m'en retourner...
(LES HUIT EUROPÉENS, consternés.)BLAISEMorgué, que nous velà jolis garçons !LE POÈTEQue signifie tout cela ? quel sort que le nôtre !LA COMTESSEMais, Messieurs, depuis six mois que nous avons été pris par cet insulaire qui vient de nous mettre ici,...
(LE GOUVERNEUR, SON FILS, SA FILLE, BLECTRUE, L'INSULAIRE, MÉGISTE, suite du Gouverneur, LES HUIT EUROPÉENS)L'INSULAIRELes voilà, Seigneur.LE GOUVERNEUR (, de loin, avec une lunette d'approche.)Vous me montrez là quelque chose de bien extraordinaire : il n'y a assurément rien de...
(LES INSULAIRES)LE GOUVERNEURVoilà, par exemple, de ces choses qui passent toute vraisemblance ! Nos histoires n'ont-elles jamais parlé de ces animaux-là ?BLECTRUESeigneur, je me rappelle un fait ; c'est que j'ai lu dans les registres de l'État, qu'il y a...
(BLECTRUE, MÉGISTE)BLECTRUEMégiste, je vous prie de dire qu'on me les amène ici.
BLECTRUE (, seul.)Hélas ! je n'ai pas grande espérance, ils se querellent, ils se fâchent même les uns contre les autres. On dit qu'il y en a deux tantôt qui ont voulu se battre ; et cela ne ressemble point...
(BLECTRUE, MÉGISTE, suite, LES HUIT EUROPÉENS)BLECTRUEJolies petites marmottes, écoutez-moi ; nous soupçonnons que vous êtes des hommes.BLAISEVoyez ! la belle nouvelle qu'il nous apprend là !FONTIGNACAllez, Monsieur, passez à la certitude ; jé bous la garantis.BLECTRUESoit.LE PHILOSOPHEEn doutant que nous...
(LES HUIT EUROPÉENS)FONTIGNACQué beut donc dire cé vouffon, avec son débénez raisonnavle ? Peut-on débénir cé qué l'on est ? S'il né fallait qué dé la raison pour être grand dé taillé, jé passérais le chêné en hautur.BLAISEBon, bon !...
(BLECTRUE, UN DOMESTIQUE, LES HUIT EUROPÉENS)BLECTRUEAllons, mes petits amis, lequel de vous veut lier le premier conversation avec moi ?LE POÈTEC'est moi, je serai bien aise de savoir ce dont il s'agit.BLAISEMorgué ! je voulais venir, moi ; je vianrai...
(BLECTRUE, LE POÈTE)BLECTRUEAllons, causons ensemble ; j'ai bonne opinion de vous, puisque vous avez déjà eu l'instinct d'apprendre notre langue.LE POÈTESeigneur Blectrue, laissons là l'instinct, il n'est fait que pour les bêtes ; il est vrai que nous sommes petits.BLECTRUEOh ...
BLECTRUEJe suis charmé, mes espérances renaissent, il faut voir les autres. Y a-t-il quelqu'un ?
(BLECTRUE, MÉGISTE)BLECTRUEFaites-moi voir la plus grande de ces petites créatures.MÉGISTEVous savez qu'on les a toutes mises chacune dans une cage. Amènerai-je celle que vous demandez dans la sienne ?BLECTRUEEh bien ! amenez-la comme elle est.
BLECTRUE (seul)Je veux voir pourquoi elle n'est pas si petite que les autres ; cela pourra encore m'apprendre quelque chose sur leur espèce. Quelle joie de les voir semblables à nous !
(BLECTRUE, MÉGISTE, suite, BLAISE, en cage.)BLAISEParlez donc, noute ami Blectrue : eh ! morgué, est-ce qu'on nous prend pour des oisiaux ? avons-je de la pleume pour nous tenir en cage ? Je sis là comme une volaille qu'on va...
(BLECTRUE, MÉGISTE, BLAISE, FONTIGNAC)MÉGISTESeigneur Blectrue, en voilà un qui veut absolument vous parler.
(BLECTRUE, BLAISE, FONTIGNAC)FONTIGNACSandis ! maître Blaise, n'ai-jé pas la verlue ! Etés-bous l'éperlan dé tantôt ?BLAISEOui, frère, velà le poulet qui viant de sortir de sa coquille.BLECTRUEIl ne tiendra qu'à vous qu'il vous en arrive autant, petit bonhomme.FONTIGNACEh ! cadédis,...
(FONTIGNAC, BLAISE)FONTIGNACAllons, mon ami, jé rémets lé pétit goujon entré vos mains ; jé vous en récommandé la métamorphose.BLAISEIl n'y a rian de si aisé. Boutez de la raison là-dedans ; et pis, zeste, tout le corps arrive.FONTIGNACComment, dé la...
(FONTIGNAC, BLAISE, SPINETTE)(Ils entrent comme se caressant.)FONTIGNAC(, à Blaise.)Viens donc, qué je t'embrasse encore, mon cher ami, mon intimé Blaise. Jé suis pressé d'une réconnaissance qui duréra tout autant qué moi : en un mot ; jé té dois ma...
(MÉGISTE, FONTIGNAC, BLAISE, SPINETTE, LE MÉDECIN)MÉGISTEMessieurs, voilà un de vos camarades qui m'a demandé en grâce de vous l'amener pour vous voir.BLAISEEh ! où est-il donc ?FONTIGNACJé né l'aperçois pas non plus.LE MÉDECINMe voilà.BLAISEAh ! je voyais queuque chose qui...
(BLECTRUE, FONTIGNAC, BLAISE, SPINETTE)FONTIGNACAh ! voilà l'honnête homme dé qui nous sont vénus les prémiers rayons dé lumière. Vénez, Monsieur Blectrue, approchez dé vos enfants, et récévez-les entre vos bras.BLAISEOh ! je lui ai déjà rendu mes grâce.BLECTRUEEt moi, je...
(BLAISE, SPINETTE)BLAISETatigué, Mademoiselle Spinette, qu'en dites-vous ? Il y a de belles maxaimes en ce pays-ci ! Cet amour qu'il faut qu'on nous fasse, à nous autres hommes, qu'il y a de prudence à ça !SPINETTETout me charme ici.BLAISEMorgué !...
(SPINETTE, BLAISE, UNE INSULAIRE)L'INSULAIREAh ! mon beau garçon, je vous retrouve ; et vous, Mademoiselle, je suis bien ravie de vous voir comme vous êtes.BLAISEJ'en sis fort ravi aussi. Quant à l'égard du biau garçon, il n'y a point de...
(LA COMTESSE, SPINETTE, BLAISE)LA COMTESSEEh bien ! que me veut-on ? Ô ciel ! que vois-je ? par quel enchantement avez-vous repris votre figure naturelle ? Je tombe dans un désespoir dont je ne suis plus la maîtresse.BLAISEAllons, ma petiote...
(LA COMTESSE, SPINETTE, BLAISE, PARMENÈS, FLORIS)FLORISQue vois-je ? Ah ! mon frère, la jolie personne !BLAISEC'est pourtant cette bamboche de tantôt.SPINETTEC'est ma maîtresse, cette petite femelle que Monsieur avait retenue.PARMENÈSQuoi ! vous, Madame ?LA COMTESSEOui, Seigneur, c'est moi-même, sur qui...
(LA COMTESSE, PARMENÈS)PARMENÈSJe suis charmé, Madame, des noms caressants que ma sœur vous donne, et de l'amitié qui commence si bien entre vous deux.LA COMTESSEJe n'ai rien vu de si aimable qu'elle, et… toute sa famille lui ressemble.PARMENÈSNous vous sommes...
(PARMENÈS, LA COMTESSE, FONTIGNAC)FONTIGNACAh ! Madame, je vous réconnais ; mes yeux rétrouvent cé qu'il y avait dé plus charmant dans lé monde ! Voilà la prémiéré fois dé ma vie qué j'ai vu la beauté et la raison ensemble....
(LA COMTESSE, FLORIS, LE COURTISAN, FONTIGNAC, SPINETTE, BLAISE)LA COMTESSE(, au Courtisan.)Oui, mon frère, rendez-vous aux exemples qui vous frappent ; vous nous voyez tous rétablis dans l'état où nous étions ; cela ne doit-il pas vous persuader ? Moi qui...
(LE COURTISAN, FONTIGNAC)LE COURTISANJe t'avoue, Fontignac, que je me sens ébranlé.FONTIGNACJé lé crois : la raison et vous, dans lé fond, vous n'êtes vrouillés qué faute dé vous entendre.LE COURTISANEst-il vrai que ma sœur est convenue de toutes les folies...
(LE COURTISAN, FONTIGNAC, BLAISE)BLAISEQueu tintamarre est-ce que j'entends là ? En dirait d'un papillon qui bourdonne. Qu'avez-vous donc qui vous fâche ?LE COURTISANC'est ce coquin que tu vois qui vient de me dire tout ce qu'il y a de plus...
(LE COURTISAN, BLAISE, BLECTRUE, LE POÈTE, LE PHILOSOPHE)BLECTRUEArrête ! arrête !(Le Courtisan se saisit du Philosophe et Blaise du Poète.)BLAISED'où viant donc ce tapage-là ?BLECTRUEC'est une chose qui mérite une véritable compassion. Il faut que les dieux soient bien ennemis...
(FLORIS, LE COURTISAN, BLAISE)FLORISEnfin, le ciel a donc exaucé nos vœux.LE COURTISANVous le voyez, Madame.BLAISEAh ! c'était biau à voir !FLORISQue vous êtes aimable de cette façon-là !LE COURTISANJe suis raisonnable, et ce bien-là est sans prix ; mais, après...
(LE COURTISAN, BLAISE)LE COURTISAN(, soupirant.)Ah !BLAISENe bougez pas ; consarvez voute dignité humaine ; aussi bian, je vous tians par le pourpoint.LE COURTISANMais, mon cher Blaise, elle est pourtant partie.BLAISEQu'alle soit ; alle a d'aussi bonnes jambes pour revenir que...
(LE COURTISAN, BLAISE, FONTIGNAC, L'INSULAIRE)FONTIGNAC(, au Courtisan.)Permettez, Monsieur, qué jé parle à Blaise, et lui présente une réquête dont voici lé sujet. (En montrant l'insulaire.)BLAISEAh ! ah ! Monsieur de Fontignac, ou êtes un fin marle, vous voulez me prendre...
(LE COURTISAN, BLAISE, FONTIGNAC, L'INSULAIRE, FLORIS)FLORISJe reviens. Je n'étais sortie que pour vous éprouver, et vous n'avez que trop bien soutenu cette épreuve. Votre indifférence même commence à m'alarmer.(Le Courtisan la regarde sans rien dire.)BLAISE(, à Floris.)Vous n'êtes pas encore...
(LE GOUVERNEUR, PARMENÈS, FLORIS, L'INSULAIRE, LE COURTISAN, LA COMTESSE, FONTIGNAC, SPINETTE, LE PAYSAN)LA COMTESSEOui, Seigneur, mettez le comble à vos bienfaits : je vous ai mille obligations ; joignez-y encore la grâce de m'accorder votre fils.LE GOUVERNEURVous lui faites honneur,...
L'Île des esclaves, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1725, se déroule sur une île utopique où les rapports sociaux sont inversés pour rétablir la justice. L'intrigue débute...
L'Heureux Stratagème, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1733, raconte les manœuvres subtiles de deux amants pour raviver leur amour mis à l'épreuve. La marquise et le chevalier,...
L'Héritier de village, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1725, raconte les mésaventures d’un jeune homme naïf, Eraste, nouvellement désigné comme héritier d’un riche villageois. L’histoire se déroule...
Les Serments indiscrets, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1732, explore les contradictions de l’amour et de la parole donnée. L’intrigue tourne autour de Lucile et Damis, deux...
Les Fausses Confidences, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1737, met en scène les stratagèmes de l’amour et les jeux de manipulation pour conquérir un cœur. L’histoire suit...
Les Acteurs de bonne foi, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1748, joue sur la frontière entre réalité et fiction en mettant en scène une troupe de comédiens...
L'Épreuve, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1740, explore les jeux de la séduction et la sincérité des sentiments à travers une intrigue délicate et malicieuse. Lucidor, un...
L'École des mères, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1732, explore les relations complexes entre une mère autoritaire et sa fille en quête d’autonomie. Madame Argante, une veuve...
Le Triomphe de l’amour, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1732, explore les jeux de manipulation et de déguisement orchestrés par l’amour. L’histoire met en scène Léonide, une...
Le Prince travesti, comédie héroïque en trois actes écrite par Marivaux et créée en 1724, mêle intrigue sentimentale et réflexion sur l’identité et le pouvoir. L’histoire se déroule dans une...