ACTE TROISIÈME - Scène II



(Hortensius LISETTE, LUBIN.)

Lubin (gaillardement.)
Tiens, Lisette, le voilà bien à propos pour lui faire nos adieux. (En riant.)
Ah, ah, ah !

Hortensius
À qui en veut cet étourdi-là, avec son transport de joie ?

Lubin
Allons, gai, camarade cocteur ; comment va la philosophie ?

Hortensius
Pourquoi me faites-vous cette question-là ?

Lubin
Ma foi, je n'en sais rien, si ce n'est pour entrer en conversation.

Lisette
Allons, allons, venons au fait.

Lubin
Encore un petit mot, docteur : n'avez-vous jamais couché dans la rue ?

Hortensius
Que signifie ce discours ?

Lubin
C'est que cette nuit vous en aurez le plaisir ; le vent de bise vous en dira deux mots.

Lisette
N'amusons point davantage monsieur Hortensius. Tenez, monsieur, voilà de l'or que madame m'a chargé de vous donner, moyennant quoi, comme elle prend congé de vous, vous pouvez prendre congé d'elle. À mon égard, je salue votre érudition, et je suis votre très humble servante.
(Elle lui fait la révérence.)

Lubin
Et moi votre serviteur.

Hortensius
Quoi, madame me renvoie ?

Lisette
Non pas, monsieur, elle vous prie seulement de vous retirer.

Lubin
Et vous qui êtes honnête, vous ne refuserez rien aux prières de madame.

Hortensius
Savez-vous la raison de cela, mademoiselle Lisette ?

Lisette
Non : mais en gros je soupçonne que cela pourrait venir de ce que vous l'ennuyez.

Lubin
Et en détail, de ce que nous sommes bien aises de nous aimer en paix, en dépit de la philosophie que vous avez dans la tête.

Lisette
Tais-toi.

Hortensius
J'entends, c'est que madame la marquise et monsieur le chevalier ont de l'inclination l'un pour l'autre.

Lisette
Je n'en sais rien, ce ne sont pas mes affaires.

Lubin
Eh bien, tout coup vaille ! quand ce serait de l'inclination, quand ce serait des passions, des soupirs, des flammes, et de la noce après : il n'y a rien de si gaillard ; on a un cœur, on s'en sert, cela est naturel.

Lisette (à Lubin.)
Finis tes sottises. (À Hortensius.)
Vous voilà averti, monsieur ; je crois que cela suffit.

Lubin
Adieu, touchez là, et partez ferme ; il n'y aura pas de mal à doubler le pas.

Hortensius
Dites à madame que je me conformerai à ses ordres.

Autres textes de Marivaux

La Surprise de l'Amour

(PIERRE, JACQUELINE.)PIERRETiens, Jacquelaine, t'as une himeur qui me fâche. Pargué ! encore faut-il dire queuque parole d'amiquié aux gens.JACQUELINEMais qu'est-ce qu'il te faut donc ? Tu me veux pour ta...

La Réunion des Amours

(L'AMOUR, qui entre d'un côté, CUPIDON, de l'autre.)CUPIDON (, à part.)Que vois-je ? Qui est-ce qui a l'audace de porter comme moi un carquois et des flèches ?L'AMOUR (, à...

La Provinciale

(MADAME LÉPINE, LE CHEVALIER, LA RAMÉE)(Ils entrent en se parlant.)MADAME LÉPINEAh ! vraiment, il est bien temps de venir : je n'ai plus le loisir de vous entretenir ; il...

La mère confidente

(DORANTE, LISETTE.)DORANTEQuoi ! vous venez sans Angélique, Lisette ?LISETTEElle arrivera bientôt ; elle est avec sa mère : je lui ai dit que j'allais toujours devant, et je ne me...

La Méprise

FRONTIN, ERGASTE.La scène est dans un jardin.FRONTINJe vous dis, Monsieur, que je l'attends ici, je vous dis qu'elle s'y rendra, que j'en suis sûr, et que j'y compte comme si...


Les auteurs


Les catégories

Médiawix © 2024