La Seconde Surprise de l'amour
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ACTE TROISIÈME - Scène VIII

Marivaux

ACTE TROISIÈME - Scène VIII


(LA MARQUISE, LE CHEVALIER.)

La Marquise
Le comte, dit-on, était avec vous, chevalier. Vous avez été bien longtemps ensemble ; de quoi était-il question ?

Le Chevalier (sérieusement.)
De pures visions de sa part, marquise ; mais des visions qui m'ont chagriné, parce qu'elles vous intéressent, et dont la première a d'abord été de me demander si je vous aimais.

La Marquise
Mais je crois que cela n'est pas douteux.

Le Chevalier
Sans difficulté ; mais prenez garde, il parlait d'amour, et non pas d'amitié.

La Marquise
Ah ! il parlait d'amour ? Il est bien curieux. À votre place, je n'aurais pas seulement voulu les distinguer ; qu'il devine.

Le Chevalier
Non pas, marquise, il n'y avait pas moyen de jouer là-dessus, car il vous enveloppait dans ses soupçons, et vous faisait pour moi le cœur plus tendre que je ne mérite ; vous voyez bien que cela était sérieux ; il fallait une réponse décisive, aussi l'ai-je faite, et l'ai bien assuré qu'il se trompait et qu'absolument il ne s'agissait point d'amour entre nous deux, absolument.

La Marquise
Mais croyez-vous l'avoir persuadé, et croyez-vous lui avoir dit cela d'un ton bien vrai, du ton d'un homme qui le sent ?

Le Chevalier
Oh ! ne craignez rien, je l'ai dit de l'air dont on dit la vérité. Comment donc, je serais très fâché, à cause de vous, que le commerce de notre amitié rendît vos sentiments équivoques ; mon attachement pour vous est trop délicat pour profiter de l'honneur que cela me ferait ; mais j'y ai mis bon ordre, et cela par une chose tout à fait imprévue : vous connaissez sa sœur, elle est riche, très aimable, et de vos amies, même.

La Marquise
Assez médiocrement.

Le Chevalier
Dans la joie qu'il a eu de perdre ses soupçons, le comte me l'a proposée ; et comme il y a des instants et des réflexions qui nous déterminent tout d'un coup, ma foi j'ai pris mon parti ; nous sommes d'accord, et je dois l'épouser. Ce n'est pas là tout, c'est que je me suis encore chargé de vous parler en faveur du comte, et je vous en parle du mieux qu'il m'est possible ; vous n'aurez pas le cœur inexorable, et je ne crois pas la proposition fâcheuse.

La Marquise (froidement.)
Non, monsieur ; je vous avoue que le comte ne m'a jamais déplu.

Le Chevalier
Ne vous a jamais déplu ! C'est fort bien fait. Mais pourquoi donc m'avez-vous dit le contraire ?

La Marquise
C'est que je voulais me le cacher à moi-même, et il l'ignore aussi.

Le Chevalier
Point du tout, madame, car il vous écoute.

La Marquise
Lui ?


ACTE TROISIÈME - Scène VIII

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