(LA MARQUISE, LISETTE.)(La Marquise entre tristement sur la scène ; Lisette la suit sans qu'elle le sache.)La Marquise (s'arrêtant et soupirant.)Ah !Lisette (derrière elle.)Ah !La MarquiseQu'est-ce que j'entends là ? Ah ! c'est vous ?LisetteOui, madame.La MarquiseDe quoi soupirez-vous ?LisetteMoi ...
(LUBIN, LA MARQUISE, LISETTE.)LubinMadame, pardonnez l'embarras…LisetteAbrège, abrège, il t'appartient bien d'embarrasser madame !LubinIl vous appartient bien de m'interrompre, m'amie ; est-ce qu'il ne m'est pas libre d'être honnête ?La MarquiseFinis, de quoi s'agit-il ?LubinIl s'agit, madame, que monsieur le chevalier...
(LISETTE, LUBIN.)LisetteLa voilà qui soupire, et c'est toi qui en es cause, butor que tu es ; nous avons bien affaire de tes pleurs.LubinCeux qui n'en veulent pas n'ont qu'à les laisser ; ils ont fait plaisir à madame, et...
Lisette ( seule.)Ce bouffon-là est amusant. Mais voici monsieur Hortensius aussi chargé de livres qu'une bibliothèque. Que cet homme-là m'ennuie avec sa doctrine ignorante ! Quelle fantaisie a madame, d'avoir pris ce personnage-là chez elle, pour la conduire dans ses...
(HORTENSIUS, LISETTE.)LisetteMonsieur Hortensius, madame m'a chargée de vous dire que vous alliez lui montrer les livres que vous avez achetés pour elle.HortensiusJe serai ponctuel à obéir, mademoiselle Lisette ; et madame la marquise ne pouvait charger de ses ordres personne...
(LA MARQUISE, HORTENSIUS, puis un laquais.)La MarquiseQue voulez-vous dire, avec cette aventure où vous vous appelez Pâris ? à qui parliez-vous ? Voyons ce papier.HortensiusMadame, c'est un trait de l'histoire des Grecs, dont mademoiselle Lisette me demandait l'explication.La MarquiseElle est...
(LA MARQUISE, LE CHEVALIER.)Le ChevalierJe vous demande pardon, madame, d'une visite, sans doute, importune ; surtout dans la situation où je sais que vous êtes.La MarquiseAh ! votre visite ne m'est point importune, je la reçois avec plaisir ; puis-je...
(LE CHEVALIER, LUBIN.)Le Chevalier ( seul, un moment.)Voilà vraiment de ces esprits propres à consoler une personne affligée ; que cette femme-là a de mérite ! je ne la connaissais pas encore : quelle solidité d'esprit ! quelle bonté de...
(LUBIN, LE CHEVALIER.)Lubin ( répond derrière le théâtre.)Monsieur !… (Et puis il arrive très triste.) Que vous plaît-il, monsieur ?Le ChevalierQu'as-tu donc, avec cet air triste ?LubinHélas ! monsieur, quand je suis à rien faire, je m'attriste à cause de...
(Lisette LE COMTE, LE CHEVALIER, LUBIN.)Le ComteJ'allais chez vous, chevalier, et j'ai su de Lisette que vous étiez ici ; elle m'a dit votre affliction, et je vous assure que j'y prends beaucoup de part ; il faut tâcher de...
(LE CHEVALIER, LISETTE, LUBIN.)Le ChevalierFaites entendre raison aux gens, voilà ce qui en arrive ; assurément, cela est original, il me quitte aussi froidement que s'il quittait un rival.LubinEh bien, tout coup vaille ! il ne faut jurer de rien...
(LUBIN, LE CHEVALIER.)Le Chevalier ( quelque temps sérieux.)Tout ce que j'entends là me rend la perte d'Angélique encore plus sensible.LubinMa foi, Angélique me coupe la gorge.Le Chevalier (comme en se promenant.)Je m'attendais à trouver quelque consolation dans la marquise ;...
(HORTENSIUS, LUBIN, LE CHEVALIER.)HortensiusJe n'ai pas l'honneur d'être connu de vous, monsieur ; je m'appelle Hortensius. Madame la marquise, dont j'ai l'avantage de diriger les lectures, et à qui j'enseigne tour à tour les belles-lettres, la morale et la philosophie,...
(LUBIN, HORTENSIUS.)HortensiusEh bien, mon garçon, je vous attends.LubinUn petit moment d'audience, monsieur le docteur Hortus.HortensiusHortensius Hortensius ; ne défigurez point mon nom.LubinQu'il reste comme il est, je n'ai pas envie de lui gâter la taille.HortensiusJe le crois ; mais que...
(LUBIN, HORTENSIUS.)Lubin (chargé d'une manne de livres, et s'asseyant dessus.)Ah ! je n'aurais jamais cru que la science fût si pesante.HortensiusBelle bagatelle ! J'ai bien plus de livres que tout cela dans ma tête.LubinVous ?HortensiusMoi-même.LubinVous êtes donc le libraire et...
(LUBIN, LISETTE.)Lubin (un moment seul, et assis.)Ah ! pauvre Lubin ! J'ai bien du tourment dans le cœur ; je ne sais plus à présent si c'est Marton que j'aime ou si c'est Lisette ; je crois pourtant que c'est...
(LA MARQUISE, HORTENSIUS, LISETTE, LUBIN.)La MarquiseLisette allez dire là-bas qu'on ne laisse entrer personne ; je crois que voilà l'heure de notre lecture, il faudrait avertir le chevalier. Ah ! te voilà, Lubin ; où est ton maître ?LubinJe crois,...
(HORTENSIUS, LA MARQUISE.)La Marquise ( nonchalamment.)Eh bien, monsieur, vous n'aimez donc pas les livres du chevalier ?HortensiusNon, madame, le choix ne m'en paraît pas docte ; dans dix tomes, pas la moindre citation de nos auteurs grecs ou latins, lesquels,...
(LUBIN arrive ; HORTENSIUS, LA MARQUISE.)LubinMadame, monsieur le chevalier finit un embarras avec un homme ; il va venir, et il dit qu'on l'attende.La MarquiseVa, va, quand il viendra nous le prendrons.LubinSi vous le permettiez à présent, madame, j'aurais l'honneur...
(Lisette arrive. Les acteurs précédents.)LisetteJe viens de donner vos ordres, madame : on dira là-bas que vous n'y êtes pas, et un moment après…La MarquiseCela suffit ; il s'agit d'autre chose à présent, approche. (À Lubin.) Et toi, reste ici,...
(LE CHEVALIER, les acteurs précédents.)Le ChevalierVous m'avez peut-être attendu, madame, et je vous prie de m'excuser ; j'étais en affaire.La MarquiseIl n'y a pas grand mal, monsieur le chevalier ; c'est une lecture retardée, voilà tout.Le ChevalierJ'ai cru d'ailleurs que...
(Hortensius et les acteurs précédents.)La MarquiseChevalier, vous êtes le maître de rester si ma lecture vous convient ; mais vous êtes bien triste, et je veux tâcher de me dissiper.Le Chevalier (sérieux.)Pour moi, madame, je n'en suis point encore aux...
(LE CHEVALIER, LA MARQUISE.)La MarquiseVous voilà brouillé avec Hortensius, chevalier ; de quoi vous avisez-vous aussi de médire de Sénèque ?Le ChevalierSénèque et son défenseur ne m'inquiètent pas, pourvu que vous ne preniez pas leur parti, madame.La MarquiseAh ! je...
Hortensius (seul.)N'est-ce pas une chose étrange, qu'un homme comme moi n'ait point de fortune ! Posséder le grec et le latin, et ne pas posséder dix pistoles ? Ô divin Homère ! Ô Virgile ! et vous, gentil Anacréon !...
(Hortensius LISETTE, LUBIN.)Lubin (gaillardement.)Tiens, Lisette, le voilà bien à propos pour lui faire nos adieux. (En riant.) Ah, ah, ah !HortensiusÀ qui en veut cet étourdi-là, avec son transport de joie ?LubinAllons, gai, camarade cocteur ; comment va la philosophie ...
(Lisette LUBIN.)LisetteEnfin, le voilà congédié ; c'est pourtant un amant que je perds.LubinUn amant ! Quoi ! ce vieux radoteur t'aimait ?LisetteSans doute ; il voulait me faire des arguments.LubinHum !LisetteDes arguments, te dis-je ; mais je les ai fort...
(LE COMTE, LISETTE, LUBIN.)Le Comte (d'un air ému.)Bonjour, Lisette ; je viens de rencontrer Hortensius, qui m'a dit des choses bien singulières. La marquise le renvoie, à ce qu'il dit, parce qu'elle aime le chevalier, et qu'elle l'épouse. Cela est-il...
Le Comte (, seul.)Qu'est-ce que cela signifie ? Est-ce de l'amour qu'ils ont l'un pour l'autre ? Le chevalier va venir, interrogeons son cœur pour en tirer la vérité. Je vais me servir d'un stratagème, qui, tout commun qu'il est,...
(LE CHEVALIER, LE COMTE.)Le ChevalierOn m'a dit que vous me demandiez ; puis-je vous rendre quelque service, monsieur ?Le ComteOui, chevalier, vous pouvez véritablement m'obliger.Le ChevalierPardi, si je le puis, cela vaut fait.Le ComteVous m'avez dit que vous n'aimiez pas...
Le Chevalier (, seul.)Parbleu, madame, je suis donc cet ami qui devait vous tenir lieu de tout : vous m'avez joué, femme que vous êtes ; mais vous allez voir combien je m'en soucie.
(LA MARQUISE, LE CHEVALIER.)La MarquiseLe comte, dit-on, était avec vous, chevalier. Vous avez été bien longtemps ensemble ; de quoi était-il question ?Le Chevalier (sérieusement.)De pures visions de sa part, marquise ; mais des visions qui m'ont chagriné, parce qu'elles...
(LA MARQUISE, LE CHEVALIER, LE COMTE.)Le ComteJ'ai suivi les conseils du chevalier, madame ; permettez que mes transports vous marquent la joie où je suis.(Il se jette aux genoux de la marquise.)La MarquiseLevez-vous, comte, vous pouvez espérer.Le ComteQue je suis...
(LA MARQUISE, LE COMTE.)Le ComteMadame, il y a longtemps que mon cœur est à vous ; consentez à mon bonheur, que cette aventure-ci vous détermine ; souvent il n'en faut pas davantage. J'ai ce soir affaire chez mon notaire, je...
La Marquise (, seule.)Ah ! je ne sais où j'en suis, respirons : d'où vient que je soupire ? les larmes me coulent des yeux ; je me sens saisie de la tristesse la plus profonde, et je ne sais...
(LA MARQUISE, LISETTE.)LisetteMadame, je vous avertis qu'on vient de renvoyer madame la comtesse, mais elle a dit qu'elle repasserait sur le soir ; voulez-vous y être ?La MarquiseNon, jamais, Lisette ; je ne saurais.LisetteÊtes-vous indisposée, madame ? Vous avez l'air...
(LA MARQUISE, LISETTE, LUBIN.)LubinMadame, monsieur le chevalier, qui est dans un état à faire compassion…La MarquiseQue veut-il dire ? demande-lui ce qu'il a, Lisette.LubinHélas ! je crois que son bon sens s'en va : tantôt il marche, tantôt il s'arrête ...
(LA MARQUISE, LE CHEVALIER, LISETTE.)La Marquise (à Lisette.)Sors, il sera peut-être bien aise de n'avoir point de témoins, d'être seul.
(LE CHEVALIER, LA MARQUISE.)Le Chevalier (prend de longs détours.)Je viens prendre congé de vous, et vous dire adieu, madame.La MarquiseVous, monsieur le chevalier ? et où allez-vous donc ?Le ChevalierOù j'allais quand vous m'avez arrêté.La MarquiseMon dessein n'était pas de...
(LA MARQUISE, LE CHEVALIER, LE COMTE.)Le ComteQue vois-je, monsieur le chevalier ? voilà de grands transports !Le ChevalierIl est vrai, monsieur le comte ; quand vous me disiez que j'aimais madame, vous connaissiez mieux mon cœur que moi ; mais...
(LA MARQUISE, LE CHEVALIER, LISETTE, LUBIN.)LisetteMadame, il y a là-bas un notaire que le comte a amené.Le ChevalierLe retiendrons-nous, madame ?La MarquiseFaites, je ne me mêle plus de rien.Lisette (au chevalier.)Ah ! je commence à comprendre : le comte s'en...
L'Île des esclaves, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1725, se déroule sur une île utopique où les rapports sociaux sont inversés pour rétablir la justice. L'intrigue débute...
L'Île de la raison, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1727, se déroule sur une île imaginaire gouvernée par la raison et la vérité, où les habitants vivent...
L'Heureux Stratagème, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1733, raconte les manœuvres subtiles de deux amants pour raviver leur amour mis à l'épreuve. La marquise et le chevalier,...
L'Héritier de village, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1725, raconte les mésaventures d’un jeune homme naïf, Eraste, nouvellement désigné comme héritier d’un riche villageois. L’histoire se déroule...
Les Serments indiscrets, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1732, explore les contradictions de l’amour et de la parole donnée. L’intrigue tourne autour de Lucile et Damis, deux...
Les Fausses Confidences, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1737, met en scène les stratagèmes de l’amour et les jeux de manipulation pour conquérir un cœur. L’histoire suit...
Les Acteurs de bonne foi, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1748, joue sur la frontière entre réalité et fiction en mettant en scène une troupe de comédiens...
L'Épreuve, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1740, explore les jeux de la séduction et la sincérité des sentiments à travers une intrigue délicate et malicieuse. Lucidor, un...
L'École des mères, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1732, explore les relations complexes entre une mère autoritaire et sa fille en quête d’autonomie. Madame Argante, une veuve...
Le Triomphe de l’amour, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1732, explore les jeux de manipulation et de déguisement orchestrés par l’amour. L’histoire met en scène Léonide, une...