ACTE PREMIER - Scène III
(LISETTE, LUBIN.)
Lisette
La voilà qui soupire, et c'est toi qui en es cause, butor que tu es ; nous avons bien affaire de tes pleurs.
Lubin
Ceux qui n'en veulent pas n'ont qu'à les laisser ; ils ont fait plaisir à madame, et monsieur le chevalier l'accommodera bien autrement, car il soupire encore bien mieux que moi.
Lisette
Qu'il s'en garde bien : dis-lui de cacher sa douleur, je ne t'arrête que pour cela ; ma maîtresse n'en a déjà que trop, et je veux tâcher de l'en guérir : entends-tu ?
Lubin
Pardi, tu cries assez haut.
Lisette
Tu es bien brusque. Et de quoi pleurez-vous donc tous deux, peut-on le savoir ?
Lubin
Ma foi, de rien : moi, je pleure parce que je le veux bien, car si je voulais, je serais gaillard.
Lisette
Le plaisant garçon !
Lubin
Oui, mon maître soupire parce qu'il a perdu une maîtresse ; et comme je suis le meilleur cœur du monde, moi, je me suis mis à faire comme lui pour l'amuser ; de sorte que je vais toujours pleurant sans être fâché, seulement par compliment.
Lisette (rit.)
Ah, ah, ah, ah !
Lubin (en riant.)
Eh, eh, eh ! tu en ris, j'en ris quelquefois de même, mais rarement, car cela me dérange ; j'ai pourtant perdu aussi une maîtresse, moi ; mais comme je ne la verrai plus, je l'aime toujours sans en être plus triste. (Il rit.)
Eh, eh, eh !
Lisette
Il me divertit. Adieu ; fais ta commission, et ne manque pas d'avertir monsieur le chevalier de ce que je t'ai dit.
Lubin ( riant.)
Adieu, adieu.
Lisette
Comment donc ! tu me lorgnes, je pense ?
Lubin
Oui-da, je te lorgne.
Lisette
Tu ne pourras plus te remettre à pleurer.
Lubin
Gageons que si… Veux-tu voir ?
Lisette
Va-t'en ; ton maître t'attendra.
Lubin
Je ne l'en empêche pas.
Lisette
Je n'ai que faire d'un homme qui part demain : retire-toi.
Lubin
À propos, tu as raison, et ce n'est pas la peine d'en dire davantage. Adieu donc, la fille.
Lisette
Bonjour, l'ami.