ACTE III - SCÈNE VIII
OSSIP, PLATONOV
OSSIP
Comment allez-vous, Mikhaïl Vassilievitch ?
PLATONOV
Hm, à quoi dois-je l'honneur ?… Dites ce que vous avez à dire et filez immédiatement.
OSSIP
Merci, monsieur. Mais d'abord je vais m'asseoir.
PLATONOV
Je vous en prie (Silence.)
Êtes-vous malade ? Sur votre visage sont inscrites les dix plaies d'Égypte. (Un temps.)
… Pourquoi êtes-vous venu ?
OSSIP
Pour vous dire adieu.
PLATONOV
Vous quittez le pays ?
OSSIP
Pas moi, vous.
PLATONOV
Ossip, vous êtes le diable.
OSSIP
Voilà, vous voyez, je sais. Je sais même où vous allez.
PLATONOV
Alors, peut-être pourriez-vous me le dire ?
OSSIP
Vous voulez vraiment le savoir ?
PLATONOV
Naturellement. Comme c'est intéressant ! Où vais-je ?
OSSIP
Dans l'autre monde.
PLATONOV
Un long voyage. (Silence.)
J'imagine que vous souhaitez m'envoyer là-bas vous-même…
OSSIP
Bien sûr. J'ai amené la charrette.
PLATONOV (un temps)
Et vous attendez pour me tuer.
OSSIP
Oui.
PLATONOV (l'imitant)
Insolent ! - Avez-vous reçu un ordre ? Et de qui ?
OSSIP (sortant un paquet de billets)
Oh ! de plusieurs personnes. Vengerovitch d'abord, puis le jeune maître Voinitzev qui vient de me donner cela pour vous couper la gorge.
PLATONOV
Le jeune Serguey ?
OSSIP (déchirant les billets)
Lui-même.
PLATONOV
Pourquoi déchirez-vous ces billets ? Est-ce pour prouver votre grandeur d'âme ?
OSSIP
Je n'ai rien à prouver. J'ai déchiré les billets pour que vous ne puissez pas dire dans l'autre monde qu'Ossip vous a tué uniquement pour de l'argent.
(Platonov marche de long en large. Silence.)
OSSIP
Vous avez peur, Mikhaïl Vassilievitch ? (Il rit.)
C'est affreux, hein ? (Il rit. Un temps.)
Vous ne me croyez pas ?
PLATONOV (allant vers Ossip et le dévisageant)
Étonnant ! (Un temps.)
Pourquoi souriez-vous, imbécile ! (Il lui saisit le bras.)
Assez ! Ne ris plus. Je te parle ! Je t'apprendrai l'éducation. Je te ferai flanquer en prison. - Rustre !
(Il s'est éloigné rapidement d'Ossip.)
OSSIP
Giflez-moi pour me punir d'être un rustre.
PLATONOV (revenant vers Ossip)
Comme tu voudras ! (Il le frappe à la joue.)
Voilà. Te souviens-tu comment est mort Filka ?
OSSIP
Comme un chien.
PLATONOV
Tu es une bête répugnante. Un monstre. Je suis prêt à te tuer. Tiens ! (Il frappe Ossip à nouveau)
File !
(Il s'éloigne.)
OSSIP
J'avais beaucoup de respect pour vous, Platonov, dans le temps… Je vous regardais comme un monsieur. À présent, je regrette d'avoir à vous tuer, mais il le faut. - Vous êtes nuisible !
PLATONOV
Allez ! Tue-moi si tu veux, mais vite.
OSSIP
Pourquoi la jeune maîtresse est-elle venue vous voir aujourd'hui ?
PLATONOV
Tuez-moi. Allez, tuez-moi.
OSSIP
Et pourquoi la veuve du général est-elle venue elle-même ? Vous vous moquez de la veuve, n'est-ce pas ? Et où est votre femme ? Laquelle des trois est la bonne ? Hein ? Eh bien, n'êtes-vous pas nuisible ? (Il fait rapidement trébucher Platonov et ils tombent sur le plancher. Ils se battent.)
Vous saluerez pour moi le général Voinitzev quand vous le rencontrerez dans l'autre monde.
PLATONOV
Lâchez-moi.
OSSIP (sortant un couteau de sa ceinture)
Restez tranquille. Je vous tuerai de toute façon.
PLATONOV
Ma main, oh ! ma main ! Assez.
OSSIP
Vous feriez mieux de garder votre souffle pour dire vos prières.
(On entend un attelage approcher. Il s'arrête.)
PLATONOV
Lâchez mon poignet… J'ai une femme ! Un enfant ! Le couteau ! Non, Ossip ! Non !
(Sacha suivie des deux Glagolaiev fait irruption.)