SOFIA, PLATONOV
SOFIA (après un silence, pour elle-même)
Que dois-je faire ? Dieu miséricordieux, dites-moi ce que je dois faire ! C'est terrible. C'est si inattendu.
PLATONOV (sortant de la maison en s'écriant)
J'ai chaud. J'aurais dû m'abstenir de boire. - Vous ici, Sofia Egorovna ! Et toute seule ?
(Il rit, Sofia se lève et se prépare à partir. Tout au long de cette scène, ne pas ralentir. Presto.)
SOFIA
Oui.
PLATONOV
Dites-moi, est-ce que vous évitez les "humbles mortels" ?
SOFIA
Je n'évite personne.
(Elle s'assied.)
PLATONOV (s'asseyant à son côté)
Vous permettez ? - Si vous n'évitez personne, pourquoi m'évitez-vous, moi ? Quand j'entre dans une pièce, vous en sortez. Quand je mets un pied au jardin, c'est pour vous voir disparaître. Nos relations me laissent perplexe ! Suis-je à blâmer ? Suis-je répugnant ? Ai-je la peste ? (Il se lève.)
Franchement, je ne me trouve pas coupable ! Je vous en prie, tirez-moi de cette stupide situation. Je ne la supporterai pas plus longtemps.
SOFIA (presto)
Il est exact que je vous ai évité. Un peu. Si j'avais su que je vous faisais de la peine, j'aurais agi différemment.
PLATONOV (la coupant)
… Ainsi vous m'évitez ! Vous le reconnaissez ! Et pour quelle raison ?
SOFIA (sans ralentir. Enchaîner presque continûment toutes ces petites phrases)
Ne parlez pas si fort. Je ne puis supporter les gens qui élèvent la voix. (Silence.)
Dès que je suis arrivée ici, j'ai pris plaisir à vous écouter. Mais, peu à peu, cet intérêt s'est transformé en un sentiment désagréable. Je vous en prie, comprenez-moi. Je n'ai rien contre vous. Mais nous nous sommes mis à nous voir chaque jour. Vous m'avez raconté que vous m'aimiez depuis longtemps, et que ce sentiment était réciproque. "L'étudiant aimait la jeune fille, la jeune fille aimait l'étudiant. " Cela est une histoire banale et sans signification ! Mais là n'est pas la question. Quand vous me parlez du passé, vous le faites comme si vous me réclamiez quelque chose. Comme si, dans ce passé, vous aviez manqué ce que vous désirez maintenant. Le son de votre voix est tyrannique. Vous dépassez les règles de l'amitié. Vous êtes en colère. Vous criez. Vous saisissez ma main. Vous me poursuivez. Une constante surveillance ! Aucune paix ! Que voulez-vous ? Que suis-je pour vous ?
PLATONOV
C'est tout ? Eh bien, "merci" pour votre franchise !
(Il s'éloigne.)
SOFIA (fière, presque insolente)
Voilà. Vous êtes en colère. - Et ne vous vexez pas, Michael Vassilievitch !
PLATONOV (revenant)
Oui, je comprends ! Vous ne me haïssez pas. Vous avez peur. (Il vient tout près d'elle.)
Sofia Egorovna, vous avez peur.
SOFIA (l'arrêtant de la main)
Éloignez-vous, Platonov. Vous mentez, je n'ai pas peur !
PLATONOV
Où est votre force de caractère, si chaque banale rencontre met en danger l'amour que vous avez pour votre mari ! Voyez-vous, je venais tous les jours ici parce que vous me sembliez ne pas avoir de préjugés. Mais quelle dépravation ! - En tout cas je dois être à blâmer : j'ai été tenté.
SOFIA
Assez, vous n'avez pas le droit de dire cela. Allez-vous-en.
PLATONOV (riant)
Ainsi, on vous poursuit. On vous épie. On vous saisit les mains. Pauvre petite chose, quelqu'un veut vous dérober à votre époux ! Et Platonov, cet affreux Platonov vous aime. Grotesque ! Ce n'est pas ce que j'attendais d'une femme intelligente.
(Il s'éloigne à grands pas vers la maison.)
SOFIA
Vous êtes un insolent, Platonov ! Vous perdez le sens. (Voyant qu'il l'a quittée :)
Oh ! c'est terrible. Il faut que je le retrouve et me justifie. Je ne puis supporter cela.
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