ACTE PREMIER - SCÈNE XXIV
LES MÊMES, VOINITZEV, ANNA PETROVNA, NICOLAS TRILETZKI, LE VIEUX GLAGOLAIEV, LE JEUNE GLAGOLAIEV
(D'autres invités paraissent conduits par Voinitzev. Ils sont tous excités.)
VOINITZEV
Ah ! Voilà ceux que nous cherchions ! (À Platonov :)
Nous allons allumer le feu d'artifice ! (Criant vers les coulisses :)
Yakov ! (À Sofia :)
As-tu réfléchi, Sofia ?
PLATONOV
Elle a décidé de rester.
VOINITZEV
Hourra ! Serrez-moi la main, Michel ! Je savais que votre éloquence lui ferait entendre raison. Allons faire partir les fusées ! (Tout en s'éloignant et les invités le suivant, il enchaîne :)
Maman, où êtes-vous ?… Platonov !
PLATONOV
Le diable les emporte, il faut que j'y aille. (Criant :)
Je viens, Serguey Pavlovitch ! N'allumez pas, attendez-moi !
(Il suit les autres tandis qu'Anna Petrovna sort de la maison.)
ANNA PETROVNA (sortant de la maison avec Triletzki)
Attends, Serguey, attends. Il y a d'autres invités qui viennent. (À Sofia :)
Eh bien, vous êtes pâle. Vous êtes toute triste. Avez-vous un ennui ?
(Elle sort. Reste Sofia. Elle s'éloigne dans le jardin.)
PLATONOV (voix de)
Qui m'accompagne dans le bateau ? (Il appelle :)
Sofia Egorovna !
SOFIA (perplexe)
Irai-je ?
VOINITZEV (voix de)
Où est Triletzki ? Ohé ! Triletzki !
NICOLAS TRILETZKI (il sort en courant de la maison)
J'arrive, j'arrive !
(Mais il voit Sofia, s'arrête et la dévisage.)
SOFIA
Que me voulez-vous ?
NICOLAS TRILETZKI
Rien.
SOFIA
Ayez alors la bonté de me laisser seule. Ce soir je ne suis pas d'humeur à écouter. Et moins encore à bavarder.
NICOLAS TRILETZKI (grommelant)
Je comprends, je comprends ! "Pour je ne sais quelle raison, j'ai envie sur ton front de tracer une croix. Oh ! la terrible envie. Mais de quoi est-il fait ?… Non pour t'humilier. Mais pour y graver un mot : chasteté ! "
SOFIA
Bouffon ! (Elle s'écarte.)
Un clown !
NICOLAS TRILETZKI (s'inclinant)
Délicieuse ! J'ai l'honneur de m'incliner devant vous. J'aimerais rester et bavarder un peu plus, mais on me réclame. Je suis débordé. "Souviens-toi, ô nymphe, de tous mes péchés dans tes prières. "
(Il sort. Un feu de joie s'allume.)
PLATONOV (voix de)
Qui vient dans le bateau avec Platonov ?
SOFIA
Que faire ?… (Elle crie :)
Je viens !
(Elle sort. Platonov et Voinitzev continuent à s'appeler. Les deux Glagolaiev entrent, venant de la maison.)
LE VIEUX GLAGOLAIEV (profondément ému mais vif)
… Tu mens, sale voyou. Tu mentais déjà quand tu n'étais qu'un enfant. Je ne te crois pas.
LE JEUNE GLAGOLAIEV
Demande-lui ! Pourquoi te mentirais-je ? Dès que tu es parti elle a commencé à me faire des avances. Elle m'a serré dans ses bras, elle m'a embrassé. Au début, elle en voulait trois mille. J'ai discuté ! Alors elle est descendue jusqu'à mille roubles. Donne-moi mille roubles.
LE VIEUX GLAGOLAIEV
Tu parles de l'honneur d'une femme, Kiryl ! Ne le souille pas. Il est sacré. Tais-toi !
LE JEUNE GLAGOLAIEV
Sur mon propre honneur, je te le jure ! Tu ne me crois pas ? Donne-moi ces mille roubles et je les lui apporte.
LE VIEUX GLAGOLAIEV
Je ne te crois pas. Elle s'est moquée de toi, imbécile.
LE JEUNE GLAGOLAIEV
Je te le dis. Je l'ai enlacée. Elles sont toutes ainsi à présent. Je les connais. Et dire que tu voulais l'épouser.
LE VIEUX GLAGOLAIEV
Pour l'amour du Ciel, Kiryl, sais-tu ce que tu dis ?
LE JEUNE GLAGOLAIEV
Donne-moi ces mille roubles. Je les lui remettrai devant toi. Mais tu ne me crois pas quand je te dis que je sais vaincre les femmes. Donne-lui-en deux mille et elle est à toi.
LE VIEUX GLAGOLAIEV (il tire son portefeuille)
Tiens, prends. (Il jette le portefeuille par terre. Son fils le ramasse et compte soigneusement les billets. Le vieux Glagolaiev s'asseyant, la tête dans ses mains :)
Et dire que je priais pour elle. Ô Seigneur !