ACTE PREMIER - SCÈNE XV
LE JEUNE GLAGOLAIEV, PLATONOV
LE JEUNE GLAGOLAIEV, à Platonov - C'est indécent d'être vulgaire à ce point-là !
PLATONOV
Pourquoi ne dansez-vous pas ?
LE JEUNE GLAGOLAIEV (poli, ferme)
Danser ? Ici ? Et avec qui, permettez-moi de vous le demander ?
(Il s'assied.)
PLATONOV
Personne ne trouvera-t-il grâce à vos yeux ?
LE JEUNE GLAGOLAIEV
Les avez-vous regardées ? Quelles binettes ! Des nez crochus. Et quelle affectation ! Quant aux femmes… (il rit)
… criblées de petite vérole (poudrées à la chaux, et le diable sait encore quoi ! Vraiment, je préfère le buffet)
:
Voilà ce que nous respirons en Russie. Je ne peux pas supporter la Russie. Quelle infection ! Et quel ennui ! - Brrr ! - Avez-vous jamais été à Paris ?
PLATONOV
Non.
LE JEUNE GLAGOLAIEV
Dommage ! Il n'est pas trop tard, vous savez. Si vous y allez, prévenez-moi. Je vous révèlerai tous les secrets de Paris. Je vous donnerai trois cents lettres d'introduction et vous aurez trois cents cocottes françaises sur les bras.
PLATONOV
Dites-moi, est-il exact que votre père ait l'intention de payer les hypothèques d'Anna Petrovna ?
LE JEUNE GLAGOLAIEV (bâillant)
Je vous avoue que je n'en sais rien. Le commerce ne m'intéresse pas. - À propos, avez-vous remarqué comment mon père tournicote autour de la veuve ? Le vieux blaireau voudrait se marier. Quant à la veuve, elle est charmante. Pas désagréable à regarder du tout. Et quelles formes ! Veinard ! (Il frappe Platonov sur l'épaule.)
Est-ce vrai qu'elle porte un corset ?
PLATONOV
Je l'ignore. Je n'assiste jamais à sa toilette.
LE JEUNE GLAGOLAIEV
Ah ! - On m'avait dit… Je croyais…
PLATONOV (calme)
Vous êtes un imbécile.
LE JEUNE GLAGOLAIEV
Je plaisantais. Pourquoi vous mettre en colère ? Vous êtes un curieux homme. Dites-moi, cela est-il vrai ? J'ai entendu dire qu'elle n'était pas indifférente à l'argent. Et qu'elle buvait.
PLATONOV
Pourquoi ne pas l'interroger vous-même ?
LE JEUNE GLAGOLAIEV (se levant)
Tiens, c'est vrai. C'est une grande idée. Mille diables, je vais lui demander. Et je vous donne ma parole, Platonov, qu'elle m'appartiendra. J'ai un pressentiment.
(Il se précipite vers la maison, et en montant l'escalier du perron quatre à quatre, il se heurte à Anna Petrovna et à Triletzki.)