NICOLAS TRILETZKI, PLATONOV
NICOLAS TRILETZKI
Voilà ! Vous l'avez encore prise à rebours.
PLATONOV
Je n'ai rien fait.
NICOLAS TRILETZKI
Pourquoi n'arrêtez-vous pas de la tourmenter ? Vous n'êtes pas un sot, Michel Vassilievitch, et vous êtes trop âgé pour ce genre de fredaines. Ne pouvez-vous pas laisser cette pauvre fille ? (Silence.)
Pensez à moi, déchiré entre vous deux. La moitié de mon cœur vous est acquise. L'autre moitié sympathise avec la fille.
PLATONOV
Excusez-moi, il n'est pas nécessaire de vous partager ainsi.
NICOLAS TRILETZKI
La veuve du général me dit toujours : "Vous n'avez pas les façons d'un gentleman. " Ils vous désignent comme l'exemple à suivre. J'ai l'impression qu'ils prennent le problème à l'envers.
PLATONOV
Exprimez-vous plus clairement.
NICOLAS TRILETZKI
Bon. - Au fond, je comprends parfaitement tout cela. - Au revoir ! Je vais prendre un verre !
(Il s'éloigne et va revenir.)
PLATONOV
Attendez… Vous ne comprenez rien du tout. Vous n'avez aucune idée de l'enfer dans lequel je vis ! Un enfer de vulgarité et de déception. Ne haïssez-vous jamais ceux chez qui vous discernez une lueur de votre propre passé ? Ne les haïssez-vous pas de vous rappeler ces jours enfuis où vous étiez jeune - et pur - et plein de rêves idéalistes ? Tout est tellement simple lorsqu'on est jeune. Un corps vif, un esprit clair, une honnêteté inaltérable, le courage et l'amour de la liberté, de la vérité et de la grandeur. (Il rit.)
Mais voilà que surgit la vie quotidienne. Elle vous enveloppe toujours plus étroitement de sa misère. Les années passent, et que voyez-vous alors ? Des millions de gens dont la tête est vidée par l'intérieur. Eh bien, cependant, que nous ayons su vivre ou non, il y a quand même une petite compensation : l'expérience commune, la Mort. Alors, on se retrouve à son point de départ : pur. (Silence.)
"À peine au monde, nous pleurons, car nous sommes entrés sur cette grande scène de folie. " C'est terrible, ne trouvez-vous pas ?
NICOLAS TRILETZKI (qui vient d'être anormalement sérieux pendant quelque temps, reprend ses esprits)
Allons, venez prendre un verre. Je suis votre médecin. C'est mon ordonnance pour le cas présent… Qu'arrive-t-il à Anna Petrovna, ce soir ? Vous n'avez pas remarqué ? Elle rit, embrasse tout le monde. Comme si elle était amoureuse.
PLATONOV
Qui pourrait-elle aimer ici ? Elle sans doute ! Ne croyez pas trop à son rire. Il ne faut pas faire confiance au rire d'une femme qui ne sait pas pleurer. Croyez-moi sur parole. D'ailleurs notre veuve ne désire pas tant pleurer que se brûler la cervelle. Cela se voit dans ses yeux.
NICOLAS TRILETZKI
Erreur ! Les femmes n'aiment pas les armes à feu. Le poison reste leur arme favorite. Mais ne parlons plus de cela. Vous ne venez donc pas avec moi ?
PLATONOV
Non.
NICOLAS TRILETZKI
Alors je vais boire seul. Ou avec le pope. (Entrant dans la maison, il bouscule le jeune Glagolaiev.)
Excusez-moi, Excellence, voici trois roubles pour le coup d'épaule.
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