ACTE CINQUIÈME - Scène II
(FIGARO, UN GRAND MANTEAU SUR LES ÉPAULES, UN LARGE CHAPEAU RABATTU; BASILE, ANTONIO, BARTHOLO,BRID'OISON, GRIPPE SOLEIL; TROUPE DE VALETS ET DE TRAVAILLEURS.)
FIGARO(d'abord seul.)
C'est Fanchette !(Il parcourt des yeux les autres à mesure qu'ils arrivent, et dit d'un ton farouche :)
Bonjour, messieurs, bonsoir ; êtes-vous tous ici ?
BASILE
Ceux que tu as pressés d'y venir.
FIGARO
Quelle heure est-il bien à peu près ?
ANTONIO(regarde en l'air.)
La lune devrait être levée.
BARTHOLO
Eh ! quels noirs apprêts fais-tu donc ? Il a l'air d'un conspirateur !
FIGARO(s'agitant.)
N'est-ce pas pour une noce, je vous prie, que vous êtes rassemblés au château ?
BRID'OISON
Cè-ertainement.
ANTONIO
Nous allions là-bas, dans le parc, attendre un signal pour ta fête.
FIGARO
Vous n'irez pas plus loin, messieurs ; c'est ici, sous ces marronniers, que nous devons tous célébrer l'honnête fiancée que j'épouse, et le loyal seigneur qui se l'est destinée.
BASILE(se rappelant la journée.)
Ah ! vraiment, je sais ce que c'est. Retirons-nous, si vous m'en croyez : il est question d'un rendez-vous ; je vous conterai cela près d'ici.
BRID'OISON(à Figaro.)
Nou-ous reviendrons.
FIGARO
Quand vous m'entendrez appeler, ne manquez pas d'accourir tous, et dites du mal de Figaro. s'il ne vous fait voir une belle chose.
BARTHOLO
Souviens-toi qu'un homme sage ne se fait point d'affaires avec les grands.
FIGARO
Je m'en souviens.
BARTHOLO
Qu'ils ont quinze et bisque sur nous par leur état.
FIGARO
Sans leur industrie, que vous oubliez. Mais souvenez-vous aussi que l'homme qu'on sait timide est dans la dépendance de tous les fripons.
BARTHOLO
Fort bien.
FIGARO
Et que j'ai nom de Verte-Allure, du chef honoré de ma mère.
BARTHOLO
Il a le diable au corps.
BRID'OISON
I-il l'a
BASILE(à part.)
Le comte et sa Suzanne se sont arrangés sans moi ? Je ne suis pas fâché de l'algarade.
FIGARO( aux valets.)
Pour vous autres, coquins, à qui j'ai donné l'ordre, illuminez-moi ces entours ; ou, par la mort que je voudrais tenir aux dents, si j'en saisis un par le bras…
(Il secoue le bras de Grippe-Soleil.)
GRIPPE-SOLEIL(s'en va en criant et pleurant.)
A, a, o, oh ! Damné brutal !
BASILE( en s'en allant.)
Le ciel vous tienne en joie, monsieur du marié !
(Ils sortent.)