ACTE DEUXIÈME - Scène XX
(SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE, LE COMTE.)
FIGARO(arrivant tout essoufflé.)
On disait madame incommodée. Je suis vite accouru… Je vois avec joie qu'il n'en est rien.
LE COMTE(sèchement.)
Vous êtes fort attentif.
FIGARO
Et c'est mon devoir. Mais puisqu'il n'en est rien, monseigneur, tous vos jeunes vassaux des deux sexes sont en bas avec les violons et les cornemuses, attendant, pour m'accompagner, l'instant où vous permettrez que je mène ma fiancée…
LE COMTE
Et qui surveillera la comtesse au château ?
FIGARO
La veiller ! elle n'est pas malade.
LE COMTE
Non ; mais cet homme absent qui doit l'entretenir ?
FIGARO
Quel homme absent ?
LE COMTE
L'homme du billet que vous avez remis à Basile.
FIGARO
Qui dit cela ?
LE COMTE
Quand je ne le saurais pas d'ailleurs, fripon, ta physionomie, qui t'accuse, me prouverait déjà que tu mens.
FIGARO
S'il est ainsi, ce n'est pas moi qui mens, c'est ma physionomie.
SUZANNE
Va, mon pauvre Figaro. n'use pas ton éloquence en défaites ; nous avons tout dit.
FIGARO
Et quoi dit ? Vous me traitez comme un Basile.!
SUZANNE
Que tu avais écrit le billet de tantôt pour faire accroire à monseigneur, quand il entrerait, que le petit page était dans ce cabinet, où je me suis enfermée.
LE COMTE
Qu'as-tu à répondre ?
LA COMTESSE
Il n'y a plus rien à cacher, Figaro ; le badinage est consommé.
FIGARO(cherchant à deviner.)
Le badinage… est consommé ?
LE COMTE
Oui, consommé. Que dis-tu là-dessus ?
FIGARO
Moi ! je dis… que je voudrais bien qu'on en pût dire autant de mon mariage ; et si vous l'ordonnez…
LE COMTE
Tu conviens donc enfin du billet ?
FIGARO
Puisque madame le veut, que Suzanne.le veut, que vous le voulez vous-même, il faut bien que je le veuille aussi : mais à votre place, en vérité, monseigneur, je ne croirais pas un mot de tout ce que nous vous disons.
LE COMTE
Toujours mentir contre l'évidence ! À la fin, cela m'irrite.
LA COMTESSE(en riant.)
Eh ! ce pauvre garçon ! pourquoi voulez-vous, monsieur, qu'il dise une fois la vérité ?
FIGARO(bas à Suzanne.)
Je l'avertis de son danger ; c'est tout ce qu'un honnête homme peut faire.
SUZANNE(bas.)
As-tu vu le petit page ?
FIGARO(bas.)
Encore tout froissé.
SUZANNE(bas.)
Ah ! pécaïre !
LA COMTESSE
Allons, monsieur le comte, ils brûlent de s'unir : leur impatience est naturelle ; entrons pour la cérémonie.
LE COMTE(à part.)
Et Marceline. Marceline. (Haut.)
Je voudrais être… au moins vêtu.
LA COMTESSE
Pour nos gens ! Est-ce que je le suis ?