ACTE QUATRIÈME - Scène XV
(FIGARO, MARCELINE.)
FIGARO
Eh bien, ma mère ?
MARCELINE
Eh bien, mon fils ?
FIGARO(comme étouffé.)
Pour celui-ci !… Il y a réellement des choses…
MARCELINE
Il y a des choses ! Hé ! qu'est-ce qu'il y a ?
FIGARO(les mains sur sa poitrine.)
Ce que je viens d'entendre, ma mère, je l'ai là comme un plomb.
MARCELINE
Ce cœur plein d'assurance n'était donc qu'un ballon gonflé ? une épingle a tout fait partir !
FIGARO(furieux.)
Mais cette épingle, ma mère, est celle qu'il a ramassée !…
MARCELINE(rappelant ce qu'il a dit.)
La jalousie ! Oh ! j'ai là-dessus, ma mère, une philosophie… imperturbable ; et si Suzanne m'attrape un jour, je le lui pardonne…
FIGARO(vivement.)
Oh, ma mère, on parle comme on sent : mettez le plus glacé des juges à plaider dans sa propre cause, et voyez-le expliquer la loi ! — Je ne m'étonne plus s'il avait tant d'humeur sur ce feu ! — Pour la mignonne aux fines épingles, elle n'en est pas où elle le croit, ma mère, avec ses marronniers ! Si mon mariage est assez fait pour légitimer ma colère, en revanche il ne l'est pas assez pour que je n'en puisse épouser une autre, et l'abandonner…
MARCELINE
Bien conclu ! Abîmons tout sur un soupçon. Qui t'a prouvé, dis-moi, que c'est toi qu'elle joue, et non le comte ? L'as-tu étudiée de nouveau, pour la condamner sans appel ? Sais-tu si elle se rendra sous les arbres ? à quelle intention elle y va ? ce qu'elle y dira, ce qu'elle y fera ? Je te croyais plus fort en jugement !
FIGARO(lui baisant la main avec respect.)
Elle a raison, ma mère : elle a raison, raison, toujours raison ! Mais accordons, maman, quelque chose à la nature : on en vaut mieux après. Examinons en effet avant d'accuser et d'agir. Je sais où est le rendez-vous. Adieu, ma mère.
(Il sort.)