ACTE QUATRIÈME - Scène V
(LES JEUNES FILLES, CHÉRUBIN.AU MILIEU D'ELLES; FANCHETTE, ANTONIO, LE COMTE, LA COMTESSE,SUZANNE.)
ANTONIO
Moi je vous dis, monseigneur, qu'il y est ; elles l'ont habillé chez ma fille ; toutes ses hardes y sont encore, et voilà son chapeau d'ordonnance que j'ai retiré du paquet.(Il s'avance, et, regardant toutes les filles, il reconnaît Chérubin. lui enlève son bonnet de femme, ce qui fait retomber ses longs cheveux en cadenette. Il lui met sur la tête le chapeau d'ordonnance et dit :)
Eh parguenne, v'là notre officier !
LA COMTESSE(recule.)
Ah ciel !
SUZANNE
Ce friponneau !
ANTONIO
Quand je disais là-haut que c'était lui !…
LE COMTE(en colère.)
Eh bien, madame ?
LA COMTESSE
Eh bien, monsieur ! vous me voyez plus surprise que vous, et pour le moins aussi fâchée.
LE COMTE
Oui ; mais tantôt, ce matin ?
LA COMTESSE
Je serais coupable, en effet, si je dissimulais encore. Il était descendu chez moi. Nous entamions le badinage que ces enfants viennent d'achever ; vous nous avez surprises l'habillant : votre premier mouvement est si vif ! il s'est sauvé, je me suis troublée ; l'effroi général a fait le reste.
LE COMTE(avec dépit, à Chérubin.)
Pourquoi n'êtes-vous pas parti ?
CHÉRUBIN(ôtant son chapeau brusquement.)
Monseigneur…
LE COMTE
Je punirai ta désobéissance.
FANCHETTE(étourdiment.)
Ah, monseigneur, entendez-moi ! Toutes les fois que vous venez m'embrasser, vous savez bien que vous dites toujours : Si tu veux m'aimer, petite Fanchette, je te donnerai ce que tu voudras.
LE COMTE(rougissant.)
Moi ! j'ai dit cela ? Fanchette. Oui, monseigneur. Au lieu de punir Chérubin. donnez-le-moi en mariage, et je vous aimerai à la folie.
LE COMTE(à part.)
Être ensorcelé par un page !
LA COMTESSE
Eh bien, monsieur, à votre tour ! L'aveu de cette enfant, aussi naïf que le mien, atteste enfin deux vérités : que c'est toujours sans le vouloir si je vous cause des inquiétudes, pendant que vous épuisez tout pour augmenter et justifier les miennes.
ANTONIO
Vous aussi, monseigneur ? Dame ! je vous la redresserai comme feu sa mère, qui est morte… Ce n'est pas pour la conséquence ; mais c'est que madame sait bien que les petites filles, quand elles sont grandes…
LE COMTE(déconcerté, à part.)
Il y a un mauvais génie qui tourne tout ici contre moi !