ACTE QUATRIÈME - Scène. X
(TOUS LES ACTEURS PRÉCÉDENTS, EXCEPTÉ LA COMTESSE ET SUZANNE; BASILE TENANT SA GUITARE; GRIPPE SOLEIL.)
BASILE(entre en chantant sur l'air du vaudeville de la fin.)
Cœurs sensibles, cœurs fidèles, Qui blâmez l'amour léger, Cessez vos plaintes cruelles : Est-ce un crime de changer ? Si l'Amour porte des ailes, N'est-ce pas pour voltiger ? N'est-ce pas pour voltiger ? N'est-ce pas pour voltiger ?
FIGARO(s'avance à lui.)
Oui, c'est pour cela justement qu'il a des ailes au dos. Notre ami, qu'entendez-vous par cette musique ?
BASILE(montrant Grippe-Soleil.)
Qu'après avoir prouvé mon obéissance à monseigneur, en amusant monsieur, qui est de sa compagnie, je pourrai à mon tour réclamer sa justice.
GRIPPE-SOLEIL
Bah ! monsigneu, il ne m'a pas amusé du tout avec leux guenilles d'ariettes…
LE COMTE
Enfin que demandez-vous, Basile.?
BASILE
Ce qui m'appartient, monseigneur : la main de Marceline ; et je viens m'opposer…
FIGARO(s'approche.)
Y a-t-il longtemps que monsieur n'a vu la figure d'un fou ?
BASILE
Monsieur, en ce moment même.
FIGARO
Puisque mes yeux vous servent si bien de miroir, étudiez-y l'effet de ma prédiction. Si vous faites mine seulement d'approximer madame…
BARTHOLO(en riant.)
Eh pourquoi ? Laisse-le parler.
BRID'OISON(s'avance entre eux deux.)
Fau-aut-il que deux amis…
FIGARO
Nous, amis !
BASILE
Quelle erreur !
FIGARO(vite.)
Parce qu'il fait de plats airs de chapelle ?
BASILE(vite.)
Et lui, des vers comme un journal ?
FIGARO(vite.)
Un musicien de guinguette !
BASILE(vite.)
Un postillon de gazette !
FIGARO(vite.)
Cuistre d'oratorio !
BASILE
Jockey diplomatique !
LE COMTE(assis.)
Insolents tous les deux !
BASILE
Il me manque en toute occasion.
FIGARO
C'est bien dit ; si cela se pouvait !
BASILE
Disant partout que je ne suis qu'un sot.
FIGARO
Vous me prenez donc pour un écho ?
BASILE
Tandis qu'il n'est pas un chanteur que mon talent n'ait fait briller.
FIGARO
Brailler.
BASILE
Il le répète !
FIGARO
Et pourquoi non, si cela est vrai ? Es-tu un prince, pour qu'on te flagorne ? Souffre la vérité, coquin, puisque tu n'as pas de quoi gratifier un menteur : ou si tu la crains de notre part, pourquoi viens-tu troubler nos noces ?
BASILE(à Marceline.)
M'avez-vous promis, oui ou non, si, dans quatre ans, vous n'étiez pas pourvue, de me donner la préférence ?
MARCELINE
À quelle condition l'ai-je promis ?
BASILE
Que si vous retrouviez un certain fils perdu, je l'adopterais par complaisance. TOUS ENSEMBLE
Il est trouvé.
BASILE
Qu'à cela ne tienne !
TOUS ENSEMBLE(montrant Figaro.)
Et le voici.
BASILE(reculant de frayeur.)
J'ai vu le diable !
BRID'OISON(à Basile.)
Et vou-ous renoncez à sa chère mère !
BASILE
Qu'y aurait-il de plus fâcheux que d'être cru le père d'un garnement ?
FIGARO
D'en être cru le fils ; tu te moques de moi !
BASILE(montrant Figaro.)
Dès que monsieur est de quelque chose ici, je déclare, moi, que je n'y suis plus de rien.
(Il sort.)