ACTE DEUXIÈME - Scène VI
(CHÉRUBIN, LA COMTESSE, SUZANNE.)
SUZANNE(entre avec un grand bonnet.)
Le cachet, à quoi ?
LA COMTESSE
À son brevet.
SUZANNE
Déjà ?
LA COMTESSE
C'est ce que je disais. Est-ce là ma baigneuse ?
SUZANNE(s'assied près de la comtesse.)
Et la plus belle de toutes.(Elle chante avec des épingles dans sa bouche.)
Tournez-vous donc envers ici, Jean de Lyra, mon bel ami.(Chérubin.se met à genoux. Elle le coiffe.)
Madame, il est charmant !
LA COMTESSE
Arrange son collet d'un air un peu plus féminin.
SUZANNE(l'arrange.)
Là… mais voyez donc ce morveux, comme il est joli en fille ! J'en suis jalouse, moi ! (Elle lui prend le menton.)
Voulez-vous bien n'être pas joli comme ça ?
LA COMTESSE
Qu'elle est folle ! Il faut relever la manche, afin que l'amadis prenne mieux… (Elle le retrousse.)
Qu'est-ce qu'il a donc au bras ? Un ruban ?
SUZANNE
Et un ruban à vous. Je suis bien aise madame l'ait vu. Je lui avais dit que je le dirais, déjà ! Oh ! si monseigneur n'était pas venu, j'aurais bien repris le ruban, car je suis presque aussi forte que lui.
LA COMTESSE
Il y a du sang !
(Elle détache le ruban.)
CHÉRUBIN
( HONTEUX)
Ce matin, comptant partir, j'arrangeais la gourmette de mon cheval ; il a donné de la tête, et la bossette m'a effleuré le bras.
LA COMTESSE
On n'a jamais mis un ruban…
SUZANNE
Et surtout un ruban volé. — Voyons donc ce que la bossette… la courbette… la cornette du cheval… Je n'entends rien à tous ces noms-là. — Ah ! qu'il a le bras blanc ! c'est comme une femme ! plus blanc que le mien ! Regardez donc, madame !
(Elle les compare.)
LA COMTESSE(d'un ton glacé.)
Occupez-vous plutôt de m'avoir du taffetas gommé dans ma toilette.
(Suzanne lui pousse la tête en riant ; il tombe sur les deux mains. Elle entre dans le cabinet au bord du théâtre.)