ACTE CINQUIÈME - Scène. XII
(LES ACTEURS PRÉCÉDENTS, BRID'OISON, BARTHOLO, BASILE, ANTONIO, GRIPPE-SOLEIL; TOUTE LA NOCE ACCOURT AVEC DES FLAMBEAUX.)
BARTHOLO(à Figaro.)
Tu vois qu'à ton premier signal…
LE COMTE(montrant le pavillon à sa gauche.)
Pédrille, empare-toi de cette porte.
(Pédrille y va.)
BASILE(bas à Figaro.)
Tu l'as surpris avec Suzanne
LE COMTE( montrant Figaro.)
Et vous tous, mes vassaux, entourez-moi cet homme, et m'en répondez sur la vie.
BASILE
Ha ! Ha !
LE COMTE( furieux.)
Taisez-vous donc !(À Figaro d'un ton glacé.)
Mon cavalier, répondez-vous à mes questions ?
FIGARO(froidement.)
Eh ! qui pourrait m'en exempter, monseigneur ? Vous commandez à tout ici, hors à vous-même.
LE COMTE( se contenant.)
Hors à moi-même !
ANTONIO
C'est ça parler !
LE COMTE(reprend sa colère.)
Non, si quelque chose pouvait augmenter ma fureur, ce serait l'air calme qu'il affecte.
FIGARO
Sommes-nous des soldats qui tuent et se font tuer pour des intérêts qu'ils ignorent ? Je veux savoir, moi, pourquoi je me fâche.
LE COMTE(hors de lui.)
Ô rage !(Se contenant.)
Homme de bien qui feignez d'ignorer, nous ferez-vous au moins la faveur de nous dire quelle est la dame actuellement par vous amenée dans ce pavillon ?
FIGARO(montrant l'autre avec malice.)
Dans celui-là ?
LE COMTE(vite.)
Dans celui-ci.
FIGARO(froidement.)
C'est différent. Une jeune personne qui m'honore de ses bontés particulières.
BASILE(étonné.)
Ha ! Ha !
LE COMTE(vite.)
Vous l'entendez, messieurs.
BARTHOLO(étonné.)
Nous l'entendons.
LE COMTE(à Figaro.)
Et cette jeune personne a-t-elle un autre engagement, que vous sachiez ?
FIGARO( froidement.)
Je sais qu'un grand seigneur s'en est occupé quelque temps, mais soit qu'il l'ait négligée ou que je lui plaise mieux qu'un plus aimable, elle me donne aujourd'hui la préférence.
LE COMTE(vivement.)
La préf…(Se contenant.)
Au moins il est naïf : car ce qu'il avoue, messieurs, je l'ai ouï, je vous jure, de la bouche même de sa complice.
BRID'OISON(stupéfait.)
Sa-a complice !
LE COMTE(avec fureur.)
Or, quand le déshonneur est public, il faut que la vengeance le soit aussi.
(Il entre dans le pavillon.)