ACTE I - SCÈNE XI



La Comtesse, Le Chevalier, Lélio, etc.

LÉLIO
Nous ne pouvons avoir notre divertissement que tantôt,
Madame ; mais en revanche, voici une noce de village,
dont tous les acteurs viennent pour vous divertir.
(Au Chevalier.)
Ton valet et le mien sont à la tête, et mènent le branle.
(Divertissement)

LE CHANTEUR
Chantons tous l'agriable emplette
Que Lucas a fait de Colette.
Qu'il est heureux, ce garçon-là !
J'aimerais bien le mariage…
Sans un petit défaut qu'il a :
Par lui la fille la plus sage,
Zeste, vous vient entre les bras.
Et boute, et gare, allons courage :
Rien n'est si biau que le tracas
Des fins premiers jours du ménage.
Mais, morgué ! ça ne dure pas ;
Le coeur vous faille, et c'est dommage.

UN PAYSAN
Que dis-tu, gente Mathurine,
De cette noce que tu vois ?
T'agace-t-elle un peu pour moi ?
Il me semble voir à ta mine
Que tu sens un je ne sais quoi.
L'ami Lucas et la cousine
Riront tant qu'ils pourront tous deux,
En se gaussant des médiseux ;
Dis la vérité, Mathurine,
Ne ferais-tu pas bien comme eux ?

MATHURINE
Voyez le biau discours à faire,
De demander en pareil cas :
Que fais-tu ? Que ne fais-tu pas ?
Eh ! Colin sans tant de mystère,
Marions-nous ; tu le sauras.
A présent si j'étais sincère,
Je vais souvent dans le vallon,
Tu m'y suivrais, malin garçon :
On n'y trouve point de notaire,
Mais on y trouve du gazon.
On danse.
Branle
Qu'on se dise tout ce qu'on voudra,
Tout ci, tout ça,
Je veux tâter du mariage.
En arrive ce qui pourra,
Tout ci, tout ça ;
Par la sangué ! J'ons bon courage.
Ce courage, dit-on, s'en va,
Tout ci, tout ça ;
Morguenne ! Il nous faut voir cela.
Ma Claudine un jour me conta
Tout ci, tout ça,
Que sa mère en courroux contre elle
Lui défendait qu'elle m'aimât,
Tout ci, tout ça ;
Mais aussitôt, me dit la belle :
Entrons dans ce bocage-là,
Tout ci, tout ça ;
Nous verrons ce qu'il en sera.
Quand elle y fut, elle chanta
Tout ci, tout ça :
Berger, dis-moi que ton coeur m'aime ;
Et le mien aussi te dira
Tout ci, tout ça,
Combien son amour est extrême.
Après, elle me regarda,
Tout ci, tout ça,
D'un doux regard qui m'acheva.
Mon coeur, à son tour, lui chanta,
Tout ci, tout ça,
Une chanson qui fut si tendre,
Que cent fois elle soupira,
Tout ci, tout ça,
Du plaisir qu'elle eut de m'entendre ;
Ma chanson tant recommença,
Tout ci, tout ça,
Tant qu'enfin la voix me manqua.

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