ACTE III - SCÈNE VII
Lélio, La Comtesse, Le Chevalier.
LÉLIO
Permettez, Madame, que j'interrompe pour un moment
votre entretien avec Monsieur. Je ne viens point me
plaindre, et je n'ai qu'un mot à vous dire. J'aurais
cependant un assez beau sujet de parler, et l'indifférence
avec laquelle vous vivez avec moi, depuis que Monsieur,
qui ne me vaut pas…
LE CHEVALIER
Il a raison.
LÉLIO
Finissons. Mes reproches sont raisonnables ; mais je vous
déplais ; je me suis promis de me taire ; et je me tais,
quoi qu'il m'en coûte. Que ne pourrais-je pas vous dire ?
Pourquoi me trouvez-vous haïssable ? Pourquoi me
fuyez-vous ? Que vous ai-je fait ? Je suis au désespoir.
LE CHEVALIER
Ah, ah, ah, ah, ah.
LÉLIO
Vous riez, Monsieur le Chevalier ; mais vous prenez mal
votre temps, et je prendrai le mien pour vous répondre.
LE CHEVALIER
Ne te fâche point, Lélio. Tu n'avais qu'un mot à dire,
qu'un petit mot ; et en voilà plus de cent de bon compte et
rien ne s'avance ; cela me réjouit.
LA COMTESSE
Remettez-vous, Lélio, et dites-moi tranquillement ce que
vous voulez.
LÉLIO
Vous prier de m'apprendre qui de nous deux il vous plaît
de conserver, de Monsieur ou de moi. Prononcez,
Madame ; mon coeur ne peut plus souffrir d'incertitude.
LA COMTESSE
Vous êtes vif, Lélio ; mais la cause de votre vivacité est
pardonnable, et je vous veux plus de bien que vous ne
pensez. Chevalier, nous avons jusqu'ici plaisanté
ensemble, il est temps que cela finisse ; vous m'avez
parlé de votre amour, je serais fâchée qu'il fut sérieux ; je
dois ma main à Lélio, et je suis prête, à recevoir la
sienne. Vous plaindrez-vous encore ?
LÉLIO
Non, Madame, vos réflexions sont à mon avantage ; et si
j'osais…
LA COMTESSE
Je vous dispense de me remercier, Lélio ; je suis sûre de
la joie que je vous donne.
(À part.)
Sa contenance est plaisante.
UN VALET
Voilà une lettre qu'on vient d'apporter de la poste,
Madame.
LA COMTESSE
Donnez. Voulez-vous bien que je me retire un moment
pour la lire ? C'est de mon frère.