ACTE I - SCÈNE II



Le Chevalier, Frontin.

LE CHEVALIER
Eh bien, m'avez-vous trouvé un domestique ?

FRONTIN
Oui, Mademoiselle ; j'ai rencontré…

LE CHEVALIER
Vous m'impatientez avec votre Demoiselle ; ne
sauriez-vous m'appeler Monsieur ?

FRONTIN
Je vous demande pardon, Mademoiselle… Je veux dire
Monsieur. J'ai trouvé un de mes amis, qui est fort brave
garçon ; il sort actuellement de chez un bourgeois de
campagne qui vient de mourir, et il est là qui attend que
je l'appelle pour offrir ses respects.

LE CHEVALIER
Vous n'avez peut-être pas eu l'imprudence de lui dire qui
j'étais ?

FRONTIN
Ah ! Monsieur, mettez-vous l'esprit en repos : je sais
garder un secret.
(Bas.)
Pourvu qu'il ne m'échappe pas… Souhaitez-vous que mon
ami s'approche ?

LE CHEVALIER
Je le veux bien ; mais partez sur-le-champ pour Paris.

FRONTIN
Je n'attends que vos dépêches.

LE CHEVALIER
Je ne trouve point à propos de vous en donner, vous
pourriez les perdre. Ma soeur, à qui je les adresserais
pourrait les égarer aussi ; et il n'est pas besoin, que mon
aventure soit sue de tout le monde. Voici votre
commission, écoutez-moi : vous direz à ma soeur qu'elle
ne soit point en peine de moi ; qu'à la dernière partie de
bal où mes amies m'amenèrent dans le déguisement où
me voilà, le hasard me fit connaître le gentilhomme que
je n'avais jamais vu, qu'on disait être encore en province,
et qui est ce Lélio avec qui, par lettres, le mari de ma
soeur a presque arrêté mon mariage ; que, surprise de le
trouver à Paris sans que nous le sussions, et le voyant
avec une dame, je résolus sur-le-champ de profiter de
mon déguisement pour me mettre au fait de l'état de son
coeur et de son caractère ; qu'enfin nous liâmes amitié
ensemble aussi promptement que des cavaliers peuvent le
faire, et qu'il m'engagea à le suivre le lendemain à une
partie de campagne chez la dame avec qui il était, et
qu'un de ses parents accompagnait ; que nous y sommes
actuellement, que j'ai déjà découvert des choses qui
méritent que je les suive avant que de me déterminer à
épouser Lélio ; que je n'aurai jamais d'intérêt plus
sérieux. Partez ; ne perdez point de temps. Faites venir ce
domestique que vous avez arrêté ; dans un instant j'irai
voir si vous êtes parti.

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