ACTE QUATRIÈME - Scène II
(SAVOISY PIERREFONDS, seigneurs, puis SIRE RAOUL.)
SAVOISY
Vous n'êtes pas allé au-devant du roi, sire de Pierrefonds ?
PIERREFONDS
Non, monseigneur ; si la reine y va, je l'accompagnerai ; et vous ?
SAVOISY
J'attendrai notre sire ici : il y a sur la route une si grande affluence de peuple, que l'on ne peut y passer… Je ne veux pas me confondre avec tous ces manants.
PIERREFONDS
Et puis, vous avez pensé que le véritable roi ne s'appelait pas Louis le Hutin, mais Marguerite de Bourgogne ; mieux valait faire sa cour à Marguerite de Bourgogne qu'à Louis le Hutin.
SAVOISY
Peut-être y a-t-il quelque chose comme cela. — (À sire Raoul qui entre.)
Bonjour ! baron, quelle nouvelle ?
RAOUL
Que voici le roi qui vient, messeigneurs.
SAVOISY
Et la reine ne paraît-elle pas ?
RAOUL
La reine est allée au-devant de lui, elle rentre à sa droite.
LE PEUPLE (, en dehors.)
Vive le roi ! vive le roi !
RAOUL
Tenez, entendez-vous les cris des manants !
SAVOISY
Nous avons fait une faute.
RAOUL
Mais peut-être vous étonnerais-je bien, si je vous disais qui est à sa gauche.
SAVOISY
Pardieu ! il serait plaisant que ce fût un autre que Gaultier d'Aulnay !
RAOUL
Gaultier d'Aulnay n'est pas même dans le cortège.
SAVOISY
Il n'est pas dans le cortège, il n'est pas ici ; est-ce qu'il y aurait eu fête cette nuit à la tour de Nesle ? est-ce qu'il y aurait encore un cadavre ou deux sur la rive de la Seine ? Voyons, qui était à sa gauche ?
RAOUL
Messeigneurs, à sa gauche était, sur un cheval superbe, ce capitaine italien que nous avons vu arrêter hier par Gaultier sous le balcon du Louvre et conduire au grand Châtelet.
SAVOISY
C'est impossible.
RAOUL
Vous allez le voir.
PIERREFONDS
Que dites-vous de cela, Savoisy ?
SAVOISY
Je dis que nous vivons dans un temps bien étrange… Hier Marigny premier ministre… aujourd'hui Marigny arrêté… Hier ce capitaine arrêté… peut-être aujourd'hui ce capitaine sera-t-il premier ministre… on croirait, sur mon honneur, que Dieu joue aux dés avec Satan ce beau royaume de France.
LE PEUPLE (, en dehors.)
Noël ! Noël ! Vive le roi !
PIERREFONDS
Et voici le peuple, qui s'inquiète peu qui on arrête ou qui on fait premier ministre, qui crie Noël à tue-tête sur le passage du roi.