Acte III - Scène III



(PREMIER MUNICIPAL, PUIS CHARANÇON, CAPONOT ET GRATIN )

LE MUNICIPAL
Gentille, la petite dame… Il ne doit pas s'ennuyer, le particulier. (Charançon, en robe d'avocat, suivi de Gratin également en robe et de Caponot, entre de droite. Le municipal sort par la droite, aussitôt après l'entrée des trois personnages.)

CHARANÇON(à Caponot. )
Enfin, ce n'est pas tout ça, racontez-moi un peu votre procès. Qu'est-ce que ça, l'affaire Édouard ?

CAPONOT
C'est une histoire de flagrant délit.

GRATIN
C'est croustillant ?

CAPONOT
Non, c'est mon frère qui a reçu une gifle.

CHARANÇON
Bon !… De qui ça, la gifle ?

CAPONOT
Eh bien, de Mme Édouard qui soupait avec son amant en cabinet particulier.

CHARANÇON ET GRATIN(riant.)
Ah ! ah ! ah !

CAPONOT
Vous savez, ce n'est pas parce que je suis la partie adverse, mais si elle n'avait pas la main si vive, elle serait gentille, Mme Édouard.

CHARANÇON
Vraiment ! elle est gentille !

CAPONOT
C'est une petite femme mariée.

CHARANÇON
Ah ! il y a un mari ?

CAPONOT
Mais oui !

GRATIN
Et naturellement, il ne se doute de rien ?

CHARANÇON(avec conviction.)
Quel idiot !

CAPONOT
Mais au fait, vous connaissez l'amant, puisque vous demeurez chez lui ?

CHARANÇON
Moi !

CAPONOT
Ou alors, c'est lui qui demeure chez vous ?

CHARANÇON
Chez moi ?

CAPONOT
Eh bien, oui ! Rue Saint-Roch, Édouard Lambert.

CHARANÇON
Edouard Lambert ? Allons donc ! C'est Édouard Lambert…

CAPONOT
Mais oui.

CHARANÇON
Ah bien ! Elle est raide, celle-là ! Comment ! Il a une maîtresse, cet animal ? Où diable trouve-t-il le temps ? Il ne sort pas de chez nous !

CAPONOT(remontant.)
Dites donc ! je ne suis pas très au courant ! J'ai là ma citation de témoin, je n'ai pas à la faire viser ?…

CHARANÇON
Adressez-vous au greffe.

CAPONOT
Où est-il, le greffe ?

CHARANÇON
Je vais vous montrer ça. (Il remonte ainsi que Caponot qu'il dirige vers la porte du fond, à gauche.)

GRATIN(qui est resté en place, immobile et piteux, d'une voix navrée.)
Charançon !… Charançon !

CHARANÇON(redescendant un peu.)
Quoi !

GRATIN
Enfin, me diras-tu… pourquoi tu m'as fait mettre une robe ?… Je n'ai pas le droit d'en porter, si on me pince, on m'arrêtera.

CHARANÇON
Oui ? Eh bien ! Je te défendrai. Tiens, c'est une occasion.

GRATIN
Tu es bien bon ! Il était bien plus simple de ne pas me travestir ainsi.

CHARANÇON
Je te demande pardon ! Ma femme va venir ! elle te croit mon avoué ! et comme tel, tu dois être en robe ! Tu te dois à ta profession !

GRATIN
Puisque ce n'est pas ma profession !

CHARANÇON
ça ne fait rien ! ma femme nous trouve en tenue et les apparences sont sauvées. (Il remonte.)

GRATIN(remontant derrière lui.)
Tiens ! Tu es un Machiavel !

CHARANÇON
Non ! un Charançon ! (Voyant Gratin qui veut le suivre.)
Toi, reste là… Voyez-vous ça, ce mâtin d'Édouard ! (Il sort.)

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