Acte V - Scène VII



(Valens, Paulin)

Valens
Ah ! Paulin, est-ce une vérité ?
Est-ce une illusion ? Est-ce une rêverie ?
Viens-je d'ouïr la voix de Marcelle en furie ?
Ose-t-elle traîner Théodore à la mort ?

Paulin
Oui, si Valens n'y fait un généreux effort.

Valens
Quel effort généreux veux-tu que Valens fasse
Lorsque de tous côtés il ne voit que disgrâce ?

Paulin
Faites voir qu'en ces lieux c'est vous qui gouvernez,
Qu'aucun n'y doit périr si vous ne l'ordonnez.
La Syrie à vos lois est-elle assujettie
Pour souffrir qu'une femme y soit juge et partie ?
Jugez de Théodore.

Valens
Et qu'en puis-je ordonner
Qui dans mon triste sort ne serve à me gêner ?
Ne la condamner pas, c'est me perdre avec elle,
C'est m'exposer en butte aux fureurs de Marcelle,
Au pouvoir de son frère, au courroux des Césars,
Et, pour un vain effort courir mille hasards.
La condamner d'ailleurs, c'est faire un parricide :
C'est de ma propre main assassiner Placide,
C'est lui porter au cœur d'inévitables coups.

Paulin
Placide donc, Seigneur, osera plus que vous :
Marcelle a fait armer Lycante et sa cohorte,
Mais sur elle et sur eux il va fondre à main-forte,
Résolu de forcer pour cet objet c harmant
Jusqu'à votre palais et votre appartement.
Prévenez ce désordre et jugez quel carnage
Produit le désespoir qui s'oppose à la rage,
Et combien des deux parts l'amour et la fureur
Etaleront ici de spectacles d'horreur.

Valens
N'importe. Laissons faire et Marcelle et Placide :
Que l'amour en furie ou la haine en décide,
Que Théodore en meure ou ne périsse pas,
J'aurai lieu d'excuser sa vie ou son trépas ;
S'il la sauve, peut-être on trouvera dans Rome
Plus de cœur que de crime à l'ardeur d'un jeune homme ;
Je l'en désavoûrai, j'irai l'en accuser,
Les pousser par ma plainte à le favoriser,
À plaindre son malheur en blâmant son audace ;
César même pour lui me demandera grâce,
Et cette illusion de ma sévérité
Augmentera ma gloire et mon autorité.

Paulin
Et s'il ne peut sauver cet objet qu'il adore ?
Si Marcelle à ses yeux fait périr Théodore ?

Valens
Marcelle aura sans moi commis cet attentat.
J'en saurai près de lui faire un crime d'État,
À ses ressentiments égaler ma colère,
Lui promettre vengeance, et trancher du sévère,
Et, n'ayant point de part en cet événement,
L'en consoler en père un peu plus aisément.
Mes soins avec le temps pourront tarir ses larmes.

Paulin
Seigneur, d'un mal si grand c'est prendre peu d'alarmes :
Placide est violent et, pour la secourir,
Il périra lui-même, ou fera tout périr.
Si Marcelle y succombe, appréhendez son frère,
Et si Placide y meurt, les déplaisirs d'un père.
De grâce, prévenez ce funeste hasard.
Mais que vois-je ? Peut-être il est déjà trop tard.
(Stéphanie entre ici, de pleurs toute trempée.)

Valens
Théodore à Marcelle est sans doute échappée,
Et l'amour de Placide a bravé son effort.

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