ACTE V - SCÈNE I



(Unulphe, Édwige)

Édwige
Quoi ? Grimoald s'obstine à perdre ainsi mon frère !
D'imposture et de fourbe il traite sa misère !
Et feignant de me rendre et son cœur et sa foi,
Il n'a point d'yeux pour lui ni d'oreilles pour moi !

Unulphe
Madame, n'accusez que le duc qui l'obsède :
Le mal, s'il en est cru, deviendra sans remède ;
Et si le roi suivait ses conseils violents,
Vous n'en verriez déjà que des effets sanglants.

Édwige
Jadis pour Grimoald il quitta Pertharite ;
Et s'il le laisse vivre, il craint ce qu'il mérite.

Unulphe
Ajoutez qu'il vous aime, et veut par tous moyens
Rattacher ce vainqueur à ses derniers liens ;
Que Rodelinde à lui, par amour ou par force,
Assure entre vous deux un éternel divorce ;
Et s'il peut une fois jusque-là l'irriter,
Par force ou par amour il croit vous emporter.
Mais vous n'avez, madame, aucun sujet de crainte ;
Ce héros est à vous sans réserve et sans feinte,
Et…

Édwige
S'il quitte sans feinte un objet si chéri,
Sans doute au fond de l'âme il connaît son mari.
Mais s'il le connaissait, en dépit de ce traître,
Qui pourrait l'empêcher de le faire paraître ?

Unulphe
Sur le trône conquis il craint quelque attentat,
Et ne le méconnaît que par raison d'état.
C'est un aveuglement qu'il a cru nécessaire ;
Et comme Garibalde animait sa colère,
De ses mauvais conseils sans cesse combattu,
Il donnait lieu de craindre enfin pour sa vertu.
Mais, madame, il n'est plus en état de le croire.
Je n'ai pu voir longtemps ce péril pour sa gloire.
Quelque fruit que le duc espère en recueillir,
Je viens d'ôter au roi les moyens de faillir.
Pertharite, en un mot, n'est plus en sa puissance.
Mais ne présumez pas que j'aie eu l'imprudence
De laisser à sa fuite un libre et plein pouvoir
De se montrer au peuple et d'oser l'émouvoir.
Pour fuir en sûreté, je lui prête main-forte,
Ou plutôt je lui donne une fidèle escorte,
Qui sous cette couleur de lui servir d'appui,
Le met hors du royaume, et me répond de lui.
J'empêche ainsi le duc d'achever son ouvrage,
Et j'en donne à mon roi ma tête pour otage.
Votre bonté, madame, en prendra quelque soin.

Édwige
Oui, je serai pour toi criminelle au besoin :
Je prendrai, s'il le faut, sur moi toute la faute.

Unulphe
Ou je connais fort mal une vertu si haute,
Ou s'il revient à soi, lui-même tout ravi
M'avouera le premier que je l'ai bien servi.

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