ACTE IV - SCÈNE IV



(Grimoald, Pertharite, Rodelinde, Garibalde, Unulphe)

Grimoald
Viens, fourbe, viens, méchant, éprouver ma bonté,
Et ne la réduis pas à la sévérité.
Je veux te faire grâce : avoue et me confesse
D'un si hardi dessein qui t'a fourni l'adresse,
Qui des deux l'a formé, qui t'a le mieux instruit :
Tu m'entends ; et surtout fais cesser ce faux bruit ;
Détrompe mes sujets, ta prison est ouverte ;
Sinon, prépare-toi dès demain à ta perte ;
N'y force pas ton prince ; et sans plus t'obstiner,
Mérite le pardon qu'il cherche à te donner.

Pertharite
Que tu perds lâchement de ruse et d'artifice,
Pour trouver à me perdre une ombre de justice,
Et sauver les dehors d'une adroite vertu
Dont aux yeux éblouis tu parois revêtu !
Le ciel te livre exprès une grande victime,
Pour voir si tu peux être et juste et magnanime ;
Mais il ne t'abandonne après tout que son sang :
Tu ne lui peux ôter ni son nom ni son rang.
Je mourrai comme roi né pour le diadème ;
Et bientôt mes sujets, détrompés par toi-même,
Connaîtront par ma mort qu'ils n'adorent en toi
Que de fausses couleurs qui te peignent en roi.
Hâte donc cette mort, elle t'est nécessaire ;
Car puisqu'enfin tu veux la vérité sincère,
Tout ce qu'entre tes mains je forme de souhaits,
C'est d'affranchir bientôt ces malheureux sujets.
Crains-moi, si je t'échappe ; et sois sûr de ta perte,
Si par ton mauvais sort la prison m'est ouverte.
Mon peuple aura des yeux pour connaître son roi,
Et mettra différence entre un tyran et moi :
Il n'a point de fureur que soudain je n'excite.
Voilà, dedans tes fers, l'espoir de Pertharite ;
Voilà des vérités qu'il ne peut déguiser,
Et l'aveu qu'il te faut pour te désabuser.

Rodelinde
Veux-tu pour t'éclaircir de plus illustres marques ?
Veux-tu mieux voir le sang de nos premiers monarques ?
Ce grand cœur…

Grimoald
Oui, madame, il est fort bien instruit
À montrer de l'orgueil et fourber à grand bruit.
Mais si par son aveu la fourbe reconnue
Ne détrompe aujourd'hui la populace émue,
Qu'il prépare sa tête, et vous-même en ce lieu
Ne pensez qu'à lui dire un éternel adieu.
Laissons-les seuls, Unulphe, et demeure à la porte ;
Qu'avant que je l'ordonne aucun n'entre ni sorte.

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