ACTE II - SCÈNE III
(Grimoald, Garibalde)
Grimoald
Eh bien ! Quelle espérance,
Duc ? Et qu'obtiendrons-nous de ta persévérance ?
Garibalde
Ne me commandez plus, seigneur, de l'adorer,
Ou ne lui laissez plus aucun lieu d'espérer.
Grimoald
Quoi ? De tout mon pouvoir je l'avais irritée
Pour faire que ta flamme en fût mieux écoutée,
Qu'un dépit redoublé, la pressant contre moi,
La rendît plus facile à recevoir ta foi,
Et fît tomber ainsi par ses ardeurs nouvelles
Le dépôt de sa haine en des mains si fidèles :
Cependant son espoir à mon trône attaché
Par aucun de nos soins n'en peut être arraché !
Mais as-tu bien promis ma tête à sa vengeance ?
Ne l'as-tu point offerte avec négligence,
Avec quelque froideur qui l'ait fait soupçonner
Que tu la promettais sans la vouloir donner ?
Garibalde
Je n'ai rien oublié de ce qui peut séduire
Un vrai ressentiment qui voudrait vous détruire ;
Mais son feu mal éteint ne se peut déguiser :
Son plus ardent courroux brûle de s'apaiser ;
Et je n'obtiendrai point, seigneur, qu'elle m'écoute,
Jusqu'à ce qu'elle ait vu votre hymen hors de doute,
Et que de Rodelinde étant l'illustre époux,
Vous chassiez de son cœur tout espoir d'être à vous.
Grimoald
Hélas ! Je mets en vain toute chose en usage :
Ni prières ni vœux n'ébranlent son courage.
Malgré tous mes respects, je vois de jour en jour
Croître sa résistance autant que mon amour ;
Et si l'offre d'Unulphe à présent ne la touche,
Si l'intérêt d'un fils ne la rend moins farouche,
Désormais je renonce à l'espoir d'amollir
Un cœur que tant d'efforts ne font qu'enorgueillir.
Garibalde
Non, non, seigneur, il faut que cet orgueil vous cède ;
Mais un mal violent veut un pareil remède.
Montrez-vous tout ensemble amant et souverain,
Et sachez commander, si vous priez en vain.
Que sert ce grand pouvoir qui suit le diadème,
Si l'amant couronné n'en use pour soi-même ?
Un roi n'est pas moins roi pour se laisser charmer,
Et doit faire obéir qui ne veut pas aimer.
Grimoald
Porte, porte aux tyrans tes damnables maximes :
Je hais l'art de régner qui se permet des crimes.
De quel front donnerais-je un exemple aujourd'hui
Que mes lois dès demain puniraient en autrui ?
Le pouvoir absolu n'a rien de redoutable
Dont à sa conscience un roi ne soit comptable.
L'amour l'excuse mal, s'il règne injustement,
Et l'amant couronné doit n'agir qu'en amant.
Garibalde
Si vous n'osez forcer, du moins faites-vous craindre :
Daignez, pour être heureux, un moment vous contraindre ;
Et si l'offre d'Unulphe en reçoit des mépris,
Menacez hautement de la mort de son fils.
Grimoald
Que par ces lâchetés j'ose me satisfaire !
Garibalde
Si vous n'osez parler, du moins laissez-nous faire :
Nous saurons vous servir, seigneur, et malgré vous.
Prêtez-nous seulement un moment de courroux,
Et permettez après qu'on l'explique et qu'on feigne
Ce que vous n'osez dire, et qu'il faut qu'elle craigne.
Vous désavouerez tout. Après de tels projets,
Les rois impunément dédisent leurs sujets.
Grimoald
Sachons ce qu'il a fait avant que de résoudre
Si je dois en tes mains laisser gronder ce foudre.