PROLOGUE - Scène III



(LA PAIX LA DISCORDE, L'ENVIE, LA FRANCE, LA VICTOIRE.)

La Paix
En vain à tes soupirs il est inexorable :
Un dieu plus fort que lui me va rejoindre à toi ;
Et tu devras bientôt ce succès adorable
À cette reine incomparable
Dont les soins et l'exemple ont formé ton grand roi.
Ses tendresses de sœur, ses tendresses de mère,
Peuvent tout sur un fils, peuvent tout sur un frère.
Bénis, France, bénis ce pouvoir fortuné ;
Bénis le choix qu'il fait d'une reine comme elle :
Cent rois en sortiront, dont la gloire immortelle
Fera trembler sous toi l'univers étonné,
Et dans tout l'avenir sur leur front couronné
Portera l'image fidèle
De celui qu'elle t'a donné.
Ce dieu dont le pouvoir suprême
Étouffe d'un coup d'œil les plus vieux différends,
Ce dieu par qui l'amour plaît à la vertu même,
Et qui borne souvent l'espoir des conquérants,
Le blond et pompeux Hyménée
Prépare en ta faveur l'éclatante journée
Où sa main doit briser mes fers.
Ces monstres insolents dont je suis prisonnière,
Prisonniers à leur tour au fond de leurs enfers,
Ne pourront mêler d'ombre à sa vive lumière.
À tes cantons les plus déserts
Je rendrai leur beauté première ;
Et dans les doux torrents d'une allégresse entière
Tu verras s'abîmer tes maux les plus amers.
Tu vois comme déjà ces deux hautes puissances,
Que Mars sembloit plonger en d'immortels discords,
Ont malgré ses fureurs assemblé sur tes bords
Les sublimes intelligences
Qui de leurs grands États meuvent les vastes corps.
Les surprenantes harmonies
De ces miraculeux génies
Savent tout balancer, savent tout soutenir.
Leur prudence étoit due à cet illustre ouvrage,
Et jamais on n'eût pu fournir,
Aux intérêts divers de la Seine et du Tage,
Ni zèle plus savant en l'art de réunir,
Ni savoir mieux instruit du commun avantage.
Par ces organes seuls ces dignes potentats
Se font eux-mêmes leurs arbitres ;
Aux conquêtes par eux ils donnent d'autres titres,
Et des bornes à leurs États.
Ce dieu même qu'attend ma longue impatience
N'a droit de m'affranchir que par leur conférence :
Sans elle son pouvoir seroit mal reconnu.
Mais enfin je le vois, leur accord me l'envoie.
France, ouvre ton cœur à la joie ;
Et vous, monstres, fuyez ; ce grand jour est venu.
(L'Hyménée paroît, couronné de fleurs, portant en sa main droite un dard semé de lis et de roses, et en la gauche le portrait de la Reine peint sur son bouclier.)

Autres textes de Pierre Corneille

Tite et Bérénice

"Tite et Bérénice" est une tragédie en cinq actes écrite par Pierre Corneille, jouée pour la première fois en 1670. Cette pièce est inspirée de l'histoire réelle de l'empereur romain...

Théodore

"Théodore" est une tragédie écrite par Pierre Corneille, jouée pour la première fois en 1645. Cette œuvre est notable dans le répertoire de Corneille pour son sujet religieux et son...

Suréna

"Suréna" est une tragédie écrite par Pierre Corneille, présentée pour la première fois en 1674. C'est la dernière pièce écrite par Corneille, et elle est souvent considérée comme une de...

Sophonisbe

"Sophonisbe" est une tragédie écrite par Pierre Corneille, présentée pour la première fois en 1663. Cette pièce s'inspire de l'histoire de Sophonisbe, une figure historique de l'Antiquité, connue pour son...

Sertorius

"Sertorius" est une tragédie écrite par Pierre Corneille, présentée pour la première fois en 1662. Cette pièce se distingue dans l'œuvre de Corneille par son sujet historique et politique, tiré...


Les auteurs


Les catégories

Médiawix © 2024