ACTE DEUXIÈME - Scène II
(Le Prince, en voyant Silvia, salue avec beaucoup de soumission.)
Silvia
Comment ! vous voilà, monsieur ? Vous saviez donc bien que j'étais ici ?
Le Prince
Oui, mademoiselle, je le savais ; mais vous m'aviez dit de ne plus vous voir, et je n'aurais osé paraître sans madame, qui a souhaité que je l'accompagnasse, et qui a obtenu du prince l'honneur de vous faire la révérence.
(Lisette ne dit mot et regarde seulement Silvia avec attention ; Flaminia et elle se font des signes d'intelligence.)
Silvia
Je ne suis pas fâchée de vous revoir et vous me trouvez bien triste. À l'égard de cette dame, je la remercie de la volonté qu'elle a de me faire une révérence ; je ne mérite pas cela, mais qu'elle me la fasse puisque c'est son désir ; je lui en rendrai une comme je pourrai ; elle excusera si je la fais mal.
Lisette
Oui, m'amie, je vous excuserai de bon cœur ; je ne vous demande pas l'impossible.
Silvia, faisant une révérence.
Je ne vous demande pas l'impossible ! Quelle manière de parler !
Lisette
Quel âge avez-vous, ma fille ?
Silvia
Je l'ai oublié, ma mère.
Flaminia (à Silvia)
Bon.
Lisette
Elle se fâche, je pense ?
Le Prince
Mais, madame, que signifient ces discours-là ? Sous prétexte de venir saluer Silvia, vous lui faites une insulte !
Lisette
Ce n'est pas mon dessein. J'avais la curiosité de voir cette petite fille qu'on aime tant, qui fait naître une si forte passion ; et je cherche ce qu'elle a de si aimable. On dit qu'elle est naïve, c'est un agrément campagnard qui doit la rendre amusante ; priez-là de nous donner quelques traits de naïveté ; voyons son esprit.
Silvia
Eh ! non, madame, ce n'est pas la peine ; il n'est pas si plaisant que le vôtre.
Lisette, en riant.
Ah ! ah ! vous demandiez du naïf ; en voilà.
Le Prince
Allez-vous-en, madame.
Silvia
Cela m'impatiente, à la fin ; et si elle ne s'en va, je me fâcherai tout de bon.
Le Prince (à Lisette)
Vous vous repentirez de votre procédé.
Lisette
Adieu ; un pareil objet me venge assez de celui qui en a fait le choix.