Acte III - Scène VII



DUFAUSSET, MARTHE

MARTHE (venant de gauche)
Vous êtes encore là, monsieur ?

DUFAUSSET
Ah ! madame, expliquons-nous !

MARTHE
C'est inutile… monsieur Pacarel qui n'est pas intéressé dans la question a eu soin de vous dire votre fait.

DUFAUSSET
Mais je vous assure que je n'ai rien à me reprocher. Je suis arrivé à cinq heures précises dans la serre… et vous n'y étiez plus.

MARTHE
Rien que cela ! Trois heures de retard ! Si c'est cela que vous appelez être exact… Comment, vous venez à cinq heures quand on vous donne rendez-vous à deux ?

DUFAUSSET
Pardon ! non, pardon !… à cinq !

MARTHE
À deux ! voyons, vous le savez bien !

DUFAUSSET
Ah ! mais non ! à cinq ! je le sais bien aussi, j'ai compté les raies.

MARTHE
C'est que vous ne savez pas compter.

DUFAUSSET
Ou que vous avez trop marqué.

MARTHE
Je n'ai fait que deux raies, moi !

DUFAUSSET
Deux sur l'un, oui ! et trois sur l'autre, ce qui fait cinq.

MARTHE
Sur quel autre ?

DUFAUSSET
Dame ! Trois sur Landernau et deux sur Pacarel.

MARTHE
Permettez, je n'ai pas rayé Landernau.

DUFAUSSET
Il ne s'est pas rayé tout seul.

MARTHE
Il se sera fourré du blanc quelque part, contre un mur.

DUFAUSSET
Un mur qui raye joliment bien.

MARTHE
Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Je n'ai mis que deux raies.

DUFAUSSET
Vrai ?

MARTHE
Parole !

DUFAUSSET
Alors, je demeure stupide… crions au prodige et recevez mes excuses.

MARTHE
Je les accepte.

DUFAUSSET
Et moi qui vous maudissais !

MARTHE
Et moi donc, vous croyez peut-être que je me gênais.

DUFAUSSET
Ah ! Amandine. mon Amandine !

MARTHE (passant au deuxième plan)
Amandine ! Il m'appelle Amandine.

DUFAUSSET
Oui, Amandine. mon Amandine.

MARTHE
Encore… mais vous ne voyez donc pas que vous vous êtes coupé ?

DUFAUSSET
Je me suis coupé… moi… ça saigne ?… Où ça ?

MARTHE
Oui pourquoi ? pourquoi m'appelez-vous Amandine ?

DUFAUSSET
Mais parce que ce nom m'est doux… parce que je l'aime, mon Amandine.

MARTHE
Il avoue… il avoue et c'est à moi qu'il vient dire ça.

DUFAUSSET
Dame ! à qui voulez-vous que j'aille le dire ?

MARTHE
Ah ! laissez-moi, c'est infâme… partez !

DUFAUSSET
Partir, moi ! quand je voudrais passer ma vie à vos pieds, jamais… Tenez, je suis à vos genoux.
(Il se traîne à ses genoux.)

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