Acte II - Scène XII
PACAREL, MARTHE.
PACAREL (gagne la droite)
Ah ! s'il pouvait donc seulement retrouver pour vingt-quatre heures sa voix… Si on pouvait, avec du gingembre, comme pour les chevaux… après, parbleu, ça me serait bien égal qu'il n'ait plus de voix, une fois que je l'aurais casé.
MARTHE (à part, assise)
Il serait peut-être temps de parler à mon mari pour le signal ; faut-il dire oui, décidément ? Ah ! ma foi, tant pis… oui… mais comment faire ? Ah ! quelle idée ! (Elle se lève, va à Pacarel. Haut à son mari.)
Dis donc… alors, tu voudrais bien que Dufausset retrouve sa voix ?… Eh bien ! j'ai peut-être un moyen… je ne garantis rien…. tu sais, je te le donne pour ce qu'il est… non… je n'ose pas ! tu vas rire…
PACAREL
Non… non… va donc !
MARTHE
C'est un peu de l'empirisme… d'ailleurs c'est une tireuse de cartes qui me l'a enseigné… il paraît que c'est infaillible… Quand un chanteur perd sa voix… il y a un moyen bien simple de la lui rendre.
PACAREL
Eh bien ?…
MARTHE
Eh bien !… voilà… Quand Dufausset entrera, tu agiteras ton mouchoir comme ça… en disant trois fois… "coucou… ah ! le voilà ! "
PACAREL (tirant son mouchoir, l'agite)
Oui… Et puis ?
MARTHE
C'est tout…
PACAREL
C'est ça ?… Il est stupide ton moyen…
MARTHE
Ça ne coûte rien de l'essayer…
PACAREL
C'est un remède de bonne femme… Enfin… j'essayerai, ça ne lui fera toujours pas de mal.
MARTHE (à part, remontant et redescendant au deuxième plan)
Ah !… Et l'heure à présent !… Deux heures, c'est une bonne heure. (Haut, brusquement)
Ah !
PACAREL
Quoi ?
MARTHE
Tourne-toi…
PACAREL
Mais, pourquoi ça ?
MARTHE (traçant deux rates à la craie dans le dos de Pacarel)
Une… deux… voilà ! deux heures !
PACAREL
Aïe ! tu me chatouilles… Qu'est-ce qu'il y a ?
MARTHE
Ah ! non… rien… j'avais cru voir une bête sur toi !
PACAREL
Eh ! bien ?…
MARTHE
Eh ! bien non, j'avais vu double. (À part.)
Et maintenant Dufausset saura à quoi s'en tenir…
(Elle sort à droite, deuxième plan.)