Acte III - Scène II



LANDERNAU. PACAREL

LANDERNAU
Eh ! arrive donc, toi.

PACAREL (venant de droite, deuxième plan)
Me voilà ! As-tu vu Dufausset ?

LANDERNAU
Pas encore.

PACAREL
Tu ne sais pas s'il a encore sa voix ?

LANDERNAU
Ah ! Dame, je ne l'ai pas vu depuis hier…

PACAREL
Après tout, je suis tranquille, nous avons le moyen… "Colimaçon borgne…" Ah ! mon dieu, mais si ça n'allait pas marcher à l'Opéra !

LANDERNAU
Ma foi, ça pourrait bien arriver ; tu sais, moi on ne m'enlèvera pas une chose de la tête, c'est que Dufausset cherche à nous mettre dedans…

PACAREL
Il ne serait pas ténor ?

LANDERNAU
Au contraire ! Seulement, il a des raisons pour nous le cacher.

PACAREL
Tu crois ?

LANDERNAU
Parbleu ! tu comprends, il est inadmissible qu'on lui ait fait une réputation de chanteur, même dans le Midi, s'il est complètement aphone. Seulement, il a dû flairer la vérité… apprendre que l'Opéra voulait l'engager ; alors, furieux d'avoir signé avec toi, il n'a trouvé d'autre moyen, pour t'amener à résilier son engagement, que de te faire croire qu'il n'avait pas de voix.

PACAREL
Ah ! bien, elle n'est pas mauvaise ! il la connaît, Dufausset.!… heureusement que tu as vu cela tout de suite, toi ; c'est que nous ne sommes pas des imbéciles.

LANDERNAU
Dame, c'est clair… une voix ne se perd pas en deux jours… Mon dieu ! qu'il la perde à la longue, ça pourra arriver… parce qu'il a quelque chose qui lui fera du tort à mon avis… je le crois très noceur, ce garçon là. Et tu sais, pour la voix…

PACAREL
Ah ! tu crois que…

LANDERNAU
Lui !… mais il suffit qu'il aperçoive un cotillon. (Remontant pour s'assurer que personne n'écoute et redescendant au deuxième plan.)
Mais tiens, ici… tu n'as rien vu, toi… Eh ! bien, il est une femme autour de qui il tourne.

PACAREL
Comment, je n'ai rien vu… (À part.)
C'est sa femme, parbleu !

LANDERNAU
Oh ! je ne la nommerai pas.

PACAREL
Non ! (À part.)
Ah ! le maladroit, il s'est fait pincer.

LANDERNAU (à part)
Je ne la nommerai pas, parce que c'est sa femme.

PACAREL
Je t'assure, Landernau, cela n'est pas.

LANDERNAU
Tiens, parbleu, il ne te l'a pas dit !

PACAREL
Si, si, au contraire, il me l'a dit… il m'a dit : vous savez, Pacarel, j'ai l'air de… Eh bien, pas du tout, ça n'est pas ça ; je vous assure qu'il n'y a rien.

LANDERNAU
Je te crois, tiens !… Ah ! et puis, tu sais, moi je veux bien ; pour moi, je m'en fiche !

PACAREL
Ah ! tu… c'est une bonne pâte…

LANDERNAU
Mais c'est égal, toi, méfie-toi !

PACAREL
Pourquoi donc ça, mon ami… tu t'en fiches, je fais comme toi.

LANDERNAU
Ah ! bon, alors… (À part.)
Il est philosophe.
(Il gagne la droite.)

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