ACTE II - Scène IV



(PRUSIAS, HIÉRON)

HIÉRON
Rome de vos desseins est sans doute informée ?

PRUSIAS
Et tu peux ajouter qu'elle en est alarmée.

HIÉRON
Observez donc aussi, Seigneur, que son courroux
En est en même temps plus terrible pour vous.

PRUSIAS
Mais as-tu bien conçu quelle est la perfidie
Dont cette Rome veut que je souille ma vie ?
Ce guerrier, qu'il faudrait lui livrer en ce jour,
Ne souhaitait de moi qu'un asile en ma cour.
Ces serments que j'ai faits de lui donner ma fille,
De rendre sa valeur l'appui de ma famille,
De confondre à jamais son sort avec le mien,
Je suis l'auteur de tout, il ne demandait rien.
Ce héros, qui se fie à ces marques d'estime,
S'attend-il que mon cœur achève par un crime ?
Le Sénat qui travaille à séduire ce cœur,
En profitant du coup, il en aurait horreur.

HIÉRON
Non : de trop de vertu votre esprit le soupçonne,
Et ce n'est pas ainsi que ce Sénat raisonne.
Ne vous y trompez pas : sa superbe fierté
Vous presse d'un devoir, non d'une lâcheté.
Vous vous croiriez perfide ; il vous croirait fidèle,
Puisque lui résister c'est se montrer rebelle.
D'ailleurs, cette action dont vous avez horreur,
Le péril du refus en ôte la noirceur.
Pensez-vous, en effet, que vous devez en croire
Les dangereux conseils d'une fatale gloire ?
Et ces princes, Seigneur, sont-ils donc généreux,
Qui le sont en risquant tout un peuple avec eux ?
Qui, sacrifiant tout à l'affreuse faiblesse
D'accomplir sans égard une injuste promesse,
Égorgent par scrupule un monde de sujets,
Et ne gardent leur foi qu'à force de forfaits ?

PRUSIAS
Ah ! lorsqu'à ce héros j'ai promis Laodice,
J'ai cru qu'à mes sujets c'était rendre un service.
Tu sais que souvent Rome a contraint nos États
De servir ses desseins, de fournir des soldats :
J'ai donc cru qu'en donnant retraite à ce grand homme,
Sa valeur gênerait l'insolence de Rome ;
Que ce guerrier chez moi pourrait l'épouvanter,
Que ce qu'elle en connaît m'en ferait respecter ;
Je me trompais ; et c'est son épouvante même
Qui me plonge aujourd'hui dans un péril extrême.
Mais n'importe, Hiéron : Rome a beau menacer,
À rompre mes serments rien ne doit me forcer ;
Et du moins essayons ce qu'en cette occurrence
Peut produire pour moi la ferme résistance.
La menace n'est rien, ce n'est pas ce qui nuit ;
Mais pour prendre un parti, voyons ce qui la suit.

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