LXXII
L’homme masqué


Quoiqu’il ne fût que quatre heures du soir, il faisait nuit close ; la neige tombait épaisse et glacée. Aramis rentra à son tour et trouva Athos, sinon sans connaissance, du moins anéanti… Aux premiers mots de son ami, le comte sortit de l’espèce de léthargie où il était tombé.

— Eh bien ! dit Aramis, vaincus par la fatalité ! — Vaincus ! dit Athos. Noble et malheureux roi ! — Êtes-vous donc blessé ? demanda Aramis. — Non, ce sang est le sien.

Le comte s’essuya le front.

— Où étiez-vous donc ? — Où vous m’aviez laissé : sous l’échafaud. — Et vous avez tout vu ? — Non, mais tout entendu ; Dieu me garde d’une autre heure pareille à celle que je viens de passer ! N’ai-je point les cheveux blancs ? — Alors vous savez que je ne l’ai point quitté ? — J’ai entendu votre voix jusqu’au dernier moment. — Voici la plaque qu’il m’a donnée, dit Aramis, voici la croix que j’ai retirée de sa main ; il désirait qu’elles fussent remises à la reine. — Et voilà un mouchoir pour les envelopper, dit Athos.

Et il tira de sa poche le mouchoir qu’il avait trempé dans le sang du roi.

— Maintenant, demanda Athos, qu’a-t-on fait de ce pauvre cadavre ? — Par ordre de Cromwell les honneurs royaux lui seront rendus. Nous avons placé le corps dans un cercueil de plomb ; les médecins s’occupent d’embaumer ces malheureux restes, et, leur œuvre finie, le roi sera déposé dans une chapelle ardente. — Dérision ! murmura sombrement Athos ; des honneurs royaux à celui qu’ils ont assassiné ! — Cela prouve, dit Aramis, que le roi meurt, mais que la royauté ne meurt pas. — Hélas ! dit Athos, c’est peut-être le dernier roi chevalier qu’aura le monde. — Allons, ne vous désolez pas, comte, dit une grosse voix dans l’escalier, où retentissaient les larges pas de Porthos, nous sommes tous mortels, mes pauvres amis.

— Vous arrivez tard, mon cher Porthos, dit le comte de la Fère.

— Oui, dit Porthos, il y avait des gens sur ma route qui m’ont retardé. Ils dansaient, les misérables ! J’en ai pris un par le cou et je crois l’avoir un peu étranglé. Juste en ce moment une patrouille est venue. Heureusement celui à qui j’avais eu particulièrement affaire a été quelques minutes sans pouvoir parler. J’ai profité de cela pour me jeter dans une petite rue. Alors je me suis perdu. Je ne connais pas Londres, je ne sais pas l’anglais, j’ai cru que je ne me retrouverais jamais ; enfin me voilà.

— Mais d’Artagnan, dit Aramis, ne l’avez-vous point vu et ne lui serait-il rien arrivé ?

— Nous avons été séparés par la foule, dit Porthos, et, quelques efforts que j’aie faits, je n’ai pas pu le rejoindre.

— Oh ! dit Athos avec amertume, je l’ai vu, moi ; il était au premier rang de la foule, admirablement placé pour ne rien perdre ; et comme, à tout prendre, le spectacle était curieux, il aura voulu voir jusqu’au bout.

— Oh ! comte de la Fère, dit une voix calme, quoique étouffée par la précipitation de la course, est-ce bien vous qui calomniez les absents ?

Ce reproche atteignit Athos au cœur. Cependant, comme l’impression que lui avait produite d’Artagnan aux premiers rangs de ce peuple stupide et féroce était profonde, il se contenta de répondre :

— Je ne vous calomnie pas, mon ami. On était inquiet de vous ici, et j’ai dit où vous étiez. Vous ne connaissiez pas le roi Charles, ce n’était qu’un étranger pour vous, et vous n’étiez pas forcé de l’aimer.

Et en disant ces mots il tendit la main à son ami. Mais d’Artagnan fit semblant de ne point voir le geste d’Athos et garda sa main sous son manteau. Athos laissa retomber lentement la sienne près de lui.

— Ouf ! je suis las, dit d’Artagnan, et il s’assit.

— Buvez un verre de porto, dit Aramis en prenant une bouteille sur une table et en remplissant un verre ; buvez, cela vous remettra.

— Oui, buvons, dit Athos, qui, sensible au mécontentement du Gascon, voulait choquer son verre contre le sien, buvons et quittons cet abominable pays. La felouque nous attend, vous le savez ; partons ce soir, nous n’avons plus rien à faire ici.

— Vous êtes bien pressé, monsieur le comte, dit d’Artagnan.

— Ce sol sanglant me brûle les pieds, dit Athos.

— La neige ne me fait pas cet effet, à moi, dit tranquillement le Gascon.

— Mais que voulez-vous donc que nous fassions ici, dit Athos, maintenant que le roi est mort ?

— Ainsi, monsieur le comte, dit d’Artagnan avec négligence, vous ne voyez point qu’il vous reste quelque chose à faire en Angleterre ?

— Rien, rien, dit Athos, qu’à douter de la bonté divine et à mépriser mes propres forces.

— Eh bien ! moi, dit d’Artagnan, moi chétif, moi badaud sanguinaire, qui suis allé me placer à trente pas de l’échafaud pour mieux voir tomber la tête de ce roi que je ne connaissais pas, et qui, à ce qu’il paraît, m’était indifférent, je pense autrement que M. le comte… je reste.

Athos pâlit extrêmement ; chaque reproche de son ami vibrait jusqu’au plus profond de son cœur.

— Ah ! vous restez à Londres, dit Porthos à d’Artagnan.

— Oui, dit celui-ci… Et vous ?

— Dame ! dit Porthos un peu embarrassé vis-à-vis d’Athos et d’Aramis, dame ! si vous restez, comme je suis venu avec vous, je ne m’en irai qu’avec vous ; je ne vous laisserai pas seul dans cet abominable pays.

— Merci, mon excellent ami. Alors j’ai une petite entreprise à vous proposer, et que nous mettrons à exécution ensemble quand monsieur le comte sera parti, et dont l’idée m’est venue pendant que je regardais le spectacle que vous savez.

— Laquelle ? dit Porthos.

— C’est de savoir quel est cet homme masqué qui s’est offert si obligeamment pour couper le cou du roi.

— Un homme masqué ! s’écria Athos, vous n’avez donc pas laissé fuir le bourreau ?

— Le bourreau ? dit d’Artagnan, il est toujours dans la cave, où je présume qu’il dit deux mots aux bouteilles de notre hôte. Mais vous m’y faites penser…

Il alla à la porte.

— Mousqueton ! dit-il.

— Monsieur ? répondit une voix qui semblait sortir des profondeurs de la terre.

— Lâchez votre prisonnier, dit d’Artagnan, tout est fini.

— Mais, dit Athos, quel est donc le misérable qui a porté la main sur son roi ?

— Un bourreau amateur, qui, du reste, manie la hache avec facilité, car, ainsi qu’il l’espérait, dit Aramis, il ne lui a fallu qu’un coup.

— N’avez-vous point vu son visage ? demanda Athos.

— Il avait un masque, dit d’Artagnan.

— Mais vous qui étiez près de lui, Aramis ?

— Je n’ai vu qu’une barbe grisonnante qui passait sous le masque.

— C’est donc un homme d’un certain âge ? demanda Athos.

— Oh ! dit d’Artagnan, cela ne signifie rien. Quand on met un masque, on peut bien mettre une barbe.

— Je suis fâché de ne pas l’avoir suivi, dit Porthos.

— Eh bien ! mon cher Porthos, dit d’Artagnan, voilà justement l’idée qui m’est venue, à moi.

Athos comprit tout ; il se leva.

— Pardonne-moi, d’Artagnan, dit-il ; j’ai douté de Dieu, je pouvais bien douter de toi. Pardonne-moi, ami.

— Nous verrons cela tout à l’heure, dit d’Artagnan avec un demi-sourire.

— Eh bien ? dit Aramis.

— Eh bien, reprit d’Artagnan, tandis que je regardais, non pas le roi, comme le pense monsieur le comte, car je sais ce que c’est qu’un homme qui va mourir, et, quoique je dusse être habitué à ces sortes de choses, elles me font toujours mal, mais bien le bourreau masqué, cette idée me vint, ainsi que je vous l’ai dit, de savoir qui il était. Or, comme nous avons l’habitude de nous compléter les uns par les autres, et de nous appeler à l’aide, comme on appelle sa seconde main au secours de la première, je regardai machinalement autour de moi pour voir si Porthos ne serait pas là ; car je vous avais reconnu près du roi, Aramis, et vous, comte, je savais que vous deviez être sous l’échafaud. Ce qui fait que je vous pardonne, ajouta-t-il en tendant la main à Athos, car vous avez bien dû souffrir. Je regardais donc autour de moi quand je vis à ma droite une tête qui avait été fendue, et qui, tant bien que mal, s’était raccommodée avec du taffetas noir. « Parbleu ! me dis-je, il me semble que voilà une couture de ma façon, et que j’ai recousu ce crâne-là quelque part. » En effet, c’était ce malheureux Écossais, le frère de Parry, vous savez, celui sur lequel Groslow s’est amusé à essayer ses forces, et qui n’avait plus qu’une moitié de tête quand nous le rencontrâmes.

— Parfaitement, dit Porthos, l’homme aux poules noires.

— Vous l’avez dit, lui-même ; il faisait des signes à un autre homme qui se trouvait à ma gauche ; je me retournai, et je reconnus l’honnête Grimaud, tout occupé comme moi à dévorer des yeux mon bourreau masqué.

— Oh ! lui fis-je. Or, comme cette syllabe est l’abréviation dont se sert M. le comte les jours où il lui parle, Grimaud comprit que c’était lui qu’on appelait, et se retourna comme mû par un ressort ; il me reconnut à son tour ; alors, allongeant les doigts vers l’homme masqué :

— Hein ? dit-il. Ce qui voulait dire : avez-vous vu ?

— Parbleu ! répondis-je. Nous nous étions parfaitement compris. Je me retournai vers notre Écossais ; celui-là aussi avait des regards parlants. Bref, tout finit, vous savez comment, d’une façon fort lugubre. Le peuple s’éloigna ; peu à peu le soir venait ; je m’étais retiré dans un coin de la place avec Grimaud et l’Écossais, auquel j’avais fait signe de demeurer avec nous, et je regardais de là le bourreau, qui, rentré dans la chambre royale, changeait d’habit ; le sien était ensanglanté sans doute. Après quoi il mit un chapeau noir sur sa tête et disparut. Je devinai qu’il allait sortir et je courus en face de la porte. En effet, cinq minutes après nous le vîmes descendre l’escalier.

— Vous l’avez suivi ! s’écria Athos.

— Parbleu ! dit d’Artagnan ; mais ce n’est pas sans peine, allez ! À chaque instant il se retournait ; alors nous étions obligés de nous cacher ou de prendre des airs indifférents. J’aurais été à lui et je l’aurais bien tué ; mais je ne suis pas égoïste, moi, et c’était un régal que je vous ménageais, à Aramis et à vous, Athos, pour vous consoler un peu. Enfin, après une demi-heure de marche à travers les rues les plus tortueuses de la Cité, il arriva à une petite maison isolée, où pas un bruit, pas une lumière n’annonçaient la présence de l’homme. Grimaud tira de ses larges chausses un pistolet.

— Hein ? dit-il en me le montrant.

— Non pas, lui dis-je. Et je lui arrêtai le bras.

— Je vous l’ai dit, j’avais mon idée. L’homme masqué s’arrêta devant une porte basse et tira une clé ; mais avant de la mettre dans la serrure, il se retourna pour voir s’il n’avait pas été suivi. J’étais blotti derrière un arbre ; Grimaud derrière une borne. L’Écossais, qui n’avait rien pour se cacher, se jeta à plat ventre sur le chemin. Sans doute celui que nous poursuivions se crut bien seul, car j’entendis le grincement de la clé ; la porte s’ouvrit et il disparut.

— Le misérable ! dit Aramis ; pendant que vous êtes venu, il aura fui, et nous ne le retrouverons pas.

— Allons donc, Aramis, dit d’Artagnan, vous me prenez pour un autre.

— Cependant, dit Athos, en votre absence…

— Eh bien, n’avais-je pas pour me remplacer Grimaud et l’Écossais ? Avant qu’il eût le temps de faire dix pas dans l’intérieur, j’avais fait le tour de la maison, moi. À l’une des portes, celle par laquelle il était entré, j’ai mis notre Écossais en lui faisant signe que si l’homme au masque noir sortait, il fallait le suivre où il allait, tandis que Grimaud le suivrait lui-même et reviendrait nous attendre où nous étions. Enfin, j’ai mis Grimaud à la seconde issue, en lui faisant la même recommandation, et me voilà. La bête est cernée ; maintenant qui veut voir l’hallali ?

Athos se précipita dans les bras de d’Artagnan, qui s’essuyait le front.

— Ami, dit-il, en vérité vous avez été trop bon de me pardonner ; j’ai tort, cent fois tort, je devrais vous connaître pourtant ; mais il y a au fond de nous quelque chose de méchant qui doute sans cesse.

— Hum ! dit Porthos, est-ce que le bourreau ne serait point par hasard M. Cromwell, qui pour être sûr que sa besogne fût bien faite, aurait voulu la faire lui-même ?

— Ah ! bien oui ! M. Cromwell est gros et court, et celui-là mince, élancé et plutôt grand que petit.

— Quelque soldat condamné auquel on aura offert sa grâce à ce prix, dit Athos, comme on a fait pour le malheureux Chalais.

— Non, non, continua d’Artagnan, ce n’est point la marche mesurée d’un fantassin ; ce n’est point non plus le pas écarté d’un homme de cheval. Il y a dans tout cela une jambe fine, une allure distinguée. Ou je me trompe fort, ou nous avons affaire à un gentilhomme.

— Un gentilhomme ! s’écria Athos ; impossible ! ce serait un déshonneur pour toute la seigneurie.

— Belle chasse ! dit Porthos avec un rire qui fit trembler les vitres ; belle chasse, mordieu !

— Partez-vous toujours, Athos ? demanda d’Artagnan.

— Non, je reste, répondit le gentilhomme avec un geste de menace qui ne promettait rien de bon à celui à qui ce geste était adressé.

— Alors, les épées ! dit Aramis, les épées ! et ne perdons pas un instant.

Les quatre amis reprirent promptement leurs habits de gentilshommes, ceignirent leurs épées, firent monter Mousqueton, Blaisois, et leur ordonnèrent de régler la dépense avec l’hôte et de tenir tout prêt pour le départ, les probabilités étant que l’on quitterait Londres la nuit même.

La nuit s’était assombrie encore, la neige continuait à tomber et semblait un vaste linceul étendu sur la ville régicide ; il était sept heures du soir à peu près, à peine voyait-on quelques passants dans les rues, chacun s’entretenait en famille et tout bas des événements terribles de la journée.

Les quatre amis, enveloppés de leurs manteaux, traversèrent toutes les places et les rues de la Cité, si fréquentées le jour, et si désertes cette nuit-là. D’Artagnan les conduisait, essayant de reconnaître de temps en temps des croix qu’il avait faites avec son poignard sur les murailles ; mais la nuit était si sombre que les vestiges indicateurs avaient grand’peine à être reconnus. Cependant d’Artagnan avait si bien incrusté dans sa tête chaque borne, chaque fontaine, chaque enseigne, qu’au bout d’une demi-heure de marche il parvint, avec ses trois compagnons, en vue de la maison isolée.

D’Artagnan crut un instant que le frère de Parry avait disparu ; il se trompait : le robuste Écossais, accoutumé aux glaces de ses montagnes, s’était étendu contre une borne, et comme une statue abattue de sa base, insensible aux intempéries de la saison, s’était laissé recouvrir de neige ; mais à l’approche des quatre hommes il se leva.

— Allons, dit Athos, voici encore un bon serviteur. Vrai Dieu ! les braves gens sont moins rares qu’on ne le croit ; cela encourage.

— Ne nous pressons pas de tresser des couronnes pour notre Écossais, dit d’Artagnan ; je crois que le drôle est ici pour son propre compte. J’ai entendu dire que ces messieurs qui ont vu le jour de l’autre côté de la Tweed sont fort rancuniers. Gare à maître Groslow ! il pourra bien passer un mauvais quart d’heure s’il le rencontre.

En se détachant de ses amis il s’approcha de l’Écossais et se fit reconnaître. Puis il fit signe aux autres de venir.

— Eh bien ? dit Athos en anglais.

— Personne n’est sorti, répondit le frère de Parry.

— Bien, restez avec cet homme, Porthos, et vous aussi, Aramis. D’Artagnan va me conduire à Grimaud.

Grimaud, non moins immobile que l’Écossais, était collé contre un saule creux dont il s’était fait une guérite. Un instant, comme il l’avait craint pour l’autre sentinelle, d’Artagnan crut que l’homme masqué était sorti et que Grimaud l’avait suivi… Mais tout à coup une tête apparut et fit entendre un léger sifflement.

— Oh ! dit Athos.

— Oui, répondit Grimaud.

Ils se rapprochèrent du saule.

— Eh bien, demanda d’Artagnan, quelqu’un est-il sorti ?

— Non ; mais quelqu’un est entré, dit Grimaud.

— Un homme ou une femme ?

— Un homme.

— Ah ! ah ! dit d’Artagnan ; ils sont deux, alors.

— Je voudrais qu’ils fussent quatre, dit Athos, au moins la partie serait égale.

— Peut-être sont-ils quatre, dit d’Artagnan.

— Comment cela ?

— D’autres hommes ne pouvaient-ils pas être dans cette maison avant eux et les y attendre ?

— On peut voir, dit Grimaud en montrant une fenêtre à travers les contrevents de laquelle filtraient quelques rayons de lumière.

— C’est juste, dit d’Artagnan, appelons les autres.

Et ils tournèrent autour de la maison pour faire signe à Porthos et à Aramis de venir.

Ceux-ci accoururent empressés.

— Avez-vous vu quelque chose ? dirent-ils.

— Non, mais nous allons savoir, répondit d’Artagnan en montrant Grimaud, qui, en s’accrochant aux aspérités de la muraille, était déjà parvenu à cinq ou six pieds de la terre.

Tous quatre se rapprochèrent. Grimaud continuait son ascension avec l’adresse d’un chat ; enfin il parvint à saisir un de ces crochets qui servent à maintenir les contrevents quand ils sont ouverts ; en même temps son pied trouva une moulure qui parut lui présenter un point d’appui suffisant, car il fit un signe qui indiquait qu’il était arrivé à son but. Alors il approcha son œil de la fente du volet.

— Eh bien ? demanda d’Artagnan.

Grimaud montra sa main fermée avec deux doigts ouverts seulement.

— Parle, dit Athos, on ne voit pas tes signes. Combien sont-ils ?

Grimaud fit un effort sur lui-même.

— Deux, dit-il. L’un est en face de moi, l’autre me tourne le dos.

— Bien. Et quel est celui qui est en face de toi ?

— L’homme que j’ai vu passer.

— Le connais-tu ?

— J’ai cru le reconnaître et je ne me trompais pas ; gros et court.

— Qui est-ce ? demandèrent ensemble et à voix basse les quatre amis.

— Le général Olivier Cromwell.

Les quatre amis se regardèrent.

— Et l’autre ? demanda Athos.

— Maigre et élancé.

— C’est le bourreau, dirent à la fois d’Artagnan et Aramis.

— Je ne vois que son dos, reprit Grimaud ; mais attendez, il fait un mouvement, il se retourne ; s’il a déposé son masque, je pourrai voir… Ah !

Grimaud, comme s’il eût été frappé au cœur, lâcha le crochet de fer et se rejeta en arrière en poussant un gémissement sourd. Porthos le retint dans ses bras.

— L’as-tu vu ? dirent les quatre amis.

— Oui, dit Grimaud les cheveux hérissés et la sueur au front.

— L’homme maigre et élancé ? dit d’Artagnan.

— Oui.

— Le bourreau, enfin ? demanda Aramis.

— Oui.

— Et qui est-ce ? dit Porthos.

— Lui ! lui ! balbutia Grimaud, pâle comme un mort et saisissant de ses mains tremblantes la main de son maître.

— Qui, lui ? demanda Athos.

— Mordaunt !… répondit Grimaud.

D’Artagnan, Porthos et Aramis poussèrent une exclamation de joie. Athos fit un pas en arrière et passa la main sur son front :

— Fatalité ! murmura-t-il.

I
Le fantôme de Richelieu
II
Une ronde de nuit
III
Deux anciens ennemis
IV
Anne d’Autriche à quarante-six ans
V
Gascon et Italien
VI
D’Artagnan à quarante ans
VII
D’Artagnan est embarrassé, mais une de nos anciennes connaissances lui vient en aide
VIII
Des influences différentes que peut avoir une demi-pistole sur un bedeau et sur un enfant de chœur
IX
Comment d’Artagnan, en cherchant bien loin Aramis, s’aperçut qu’il était en croupe derrière Planchet
X
L’abbé d’Herblay
XI
Les deux Gaspards
XII
M. Porthos du Vallon de Bracieux de Pierrefonds
XIII
Comment d’Artagnan s’aperçut, en retrouvant Porthos, que la fortune ne fait pas le bonheur
XIV
Où il est démontré que si Porthos était mécontent de son état, Mousqueton était fort satisfait du sien
XV
Deux têtes d’ange
XVI
Le château de Bragelonne
XVII
La diplomatie d’Athos
XVIII
M. de Beaufort
XIX
Ce à quoi se récréait M. le duc de Beaufort au donjon de Vincennes
XX
Grimaud entre en fonctions
XXI
Ce que contenaient les pâtés du successeur du père Marteau
XXII
Une aventure de Marie Michon
XXIII
L’abbé Scarron
XXIV
Saint-Denis
XXV
Un des quarante moyens d’évasion de monsieur de Beaufort
XXVI
D’Artagnan arrive à propos
XXVII
La grande route
XXVIII
Rencontre
XXIX
Le bonhomme Broussel
XXX
Quatre anciens amis s’apprêtent à se revoir
XXXI
La place Royale
XXXII
Le bac de l’Oise
XXXIII
Escarmouche
XXXIV
Le moine
XXXV
L’absolution
XXXVI
Grimaud parle
XXXVII
La veille de la bataille
XXXVIII
Un dîner d’autrefois
XXXIX
La lettre de Charles Ier
XL
La lettre de Cromwell
XLI
Mazarin et Madame Henriette
XLII
Comment les malheureux prennent parfois le hasard pour la providence
XLIII
L’oncle et le neveu
XLIV
Paternité
XLV
Encore une reine qui demande secours
XLVI
Où il est prouvé que le premier mouvement est toujours le bon
XLVII
Le Te Deum de la victoire de Lens
XLVIII
Le mendiant de Saint-Eustache
XLIX
La tour de Saint-Jacques-la-Boucherie
L
L’émeute
LI
L’émeute fait révolte
LII
Le malheur donne de la mémoire
LIII
L’entrevue
LIV
La fuite
LV
Le carrosse de M. le Coadjuteur
LVI
Comment d’Artagnan et Porthos gagnèrent, l’un deux cent dix-neuf, et l’autre deux cent quinze louis, à vendre de la paille
LVII
On a des nouvelles d’Aramis
LVIII
L’écossais, parjure à sa foi, pour un denier vendit son roi
LIX
Le vengeur
LX
Olivier Cromwell
LXI
Les gentilshommes
LXII
Jésus Seigneur
LXIII
Où il est prouvé que dans les positions les plus difficiles les grands cœurs ne perdent jamais le courage, ni les bons estomacs l’appétit
LXIV
Salut à la Majesté tombée
LXV
D’Artagnan trouve un projet
LXVI
La partie de lansquenet
LXVII
Londres
LXVIII
Le procès
LXIX
White-Hall
LXX
Les ouvriers
LXXI
Remember
LXXII
L’homme masqué
LXXIII
La maison de Cromwell
LXXIV
Conversation
LXXV
La Felouque l’Éclair
LXXVI
Le vin de Porto
LXXVII
Fatality
LXXVIII
Où, après avoir manqué d’être rôti, Mousqueton manqua d’être mangé
LXXIX
Retour
LXXX
Les ambassadeurs
LXXXI
Les trois lieutenants du généralissime
LXXXII
Le combat de Charenton
LXXXIII
La route de Picardie
LXXXIV
La reconnaissance d’Anne d’Autriche
LXXXV
La royauté de M. de Mazarin
LXXXVI
Précautions
LXXXVII
L’esprit et le bras
LXXXVIII
Le bras et l’esprit
LXXXIX
Les oubliettes de M. de Mazarin
XC
Conférences
XCI
Où l’on commence à croire que Porthos sera enfin baron et d’Artagnan capitaine
XCII
Comme quoi avec une plume et une menace on fait plus vite et mieux qu’avec l’épée et du dévouement
XCIII
Où il est prouvé qu’il est quelquefois plus difficile aux rois de rentrer dans la capitale de leur royaume que d’en sortir
XCIV
Conclusion

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