LXXVIII
Où, après avoir manqué d’être rôti, Mousqueton manqua d’être mangé


Un profond silence régna longtemps dans le canot après la scène terrible que nous venons de raconter ; la lune, qui s’était montrée un instant comme si Dieu eût voulu qu’aucun détail de cet événement ne restât caché aux yeux des spectateurs, disparut derrière les nuages ; tout rentra dans cette obscurité si effrayante dans tous les déserts et surtout sur ce désert liquide qu’on appelle l’Océan, et l’on n’entendit plus que le sifflement du vent d’ouest dans la crête des lames… Porthos rompit le premier le silence. — J’ai vu bien des choses, dit-il, mais aucune ne m’a ému comme celle que je viens de voir. Cependant, tout troublé que je suis, je vous déclare que je me sens excessivement heureux. J’ai cent livres de moins sur la poitrine, et je respire enfin librement.

En effet, Porthos respira avec un bruit qui faisait honneur au jeu puissant de ses poumons.

— Pour moi, dit Aramis, je n’en dirai pas autant que vous, Porthos ; je suis encore épouvanté. C’est au point que je n’en crois pas mes yeux, que je doute de ce que j’ai vu, que je cherche tout autour du canot, et que je m’attends à chaque minute à voir reparaître ce misérable tenant à la main le poignard qu’il avait dans le cœur. — Oh ! moi, je suis tranquille, reprit Porthos ; le coup lui a été porté vers la sixième côte et enfoncé jusqu’à la garde. Je ne vous en fais pas un reproche, Athos, au contraire. Quand on frappe, c’est comme cela qu’il faut frapper. Aussi je vis à présent, je respire, je suis joyeux. — Ne vous hâtez pas de chanter victoire, Porthos, dit d’Artagnan ; jamais nous n’avons couru un danger plus grand qu’à cette heure, car un homme vient à bout d’un homme, mais non pas d’un élément. Or, nous sommes en mer, la nuit, sans guide, dans une frêle barque ; qu’un coup de vent fasse chavirer le canot, et nous sommes perdus.

Mousqueton poussa un profond soupir.

— Vous êtes ingrat, d’Artagnan, dit Athos ; oui, ingrat de douter de la Providence au moment où elle vient de nous sauver tous d’une façon si miraculeuse. Croyez-vous qu’elle nous ait fait passer, en nous guidant par la main, à travers tant de périls, pour nous abandonner ensuite ? Non pas. Nous sommes partis par un vent d’ouest ; ce vent souffle toujours. (Athos s’orienta sur l’étoile polaire.) Voici le Chariot, par conséquent là est la France. Laissons-nous aller au vent, et tant qu’il ne changera point il nous poussera vers les côtes de Calais ou de Boulogne. Si la barque chavire, nous sommes assez forts et assez bons nageurs, à nous cinq du moins, pour la retourner, ou pour nous attacher à elle si cet effort est au-dessus de nos forces. Or, nous nous trouvons sur la route de tous les vaisseaux qui vont de Douvres à Calais et de Portsmouth à Boulogne ; si l’eau conservait leurs traces, leur sillage eût creusé une vallée à l’endroit même où nous sommes. Il est donc impossible qu’au jour nous ne rencontrions pas quelque barque de pêcheur qui nous recueillera.

— Mais si nous n’en rencontrions point, par exemple, et que le vent tournât au nord ?

— Alors, dit Athos, c’est autre chose, nous ne retrouverions la terre que de l’autre côté de l’Atlantique.

— Ce qui veut dire que nous mourrions de faim, reprit Aramis.

— C’est plus que probable, dit le comte de la Fère.

Mousqueton poussa un second soupir plus douloureux encore que le premier.

— Ah ça, Mouston, demanda Porthos, qu’avez-vous donc à gémir toujours ainsi ? cela devient fastidieux !

— J’ai que j’ai froid, monsieur, dit Mousqueton.

— C’est impossible, dit Porthos.

— Impossible ? dit Mousqueton étonné.

— Certainement. Vous avez le corps couvert d’une couche de graisse qui le rend impénétrable à l’air. Il y a autre chose, parlez franchement.

— Eh bien ! oui, monsieur, et c’est même cette couche de graisse, dont vous me glorifiez, qui m’épouvante, moi !

— Et pourquoi cela, Mouston ? parlez hardiment, ces messieurs vous le permettent.

— Parce que, monsieur, je me rappelais que dans la bibliothèque du château de Bracieux il y a une foule de livres de voyages, et parmi ces livres de voyages ceux de Jean Moquet, le fameux voyageur du roi Henri IV.

— Après ?

— Eh bien ! monsieur, dit Mousqueton, dans ces livres il est fort parlé d’aventures maritimes et d’événements semblables à celui qui nous menace en ce moment.

— Continuez, Mouston, dit Porthos. Cette analogie est pleine d’intérêt.

— Eh bien ! monsieur, en pareil cas, les voyageurs affamés, dit Jean Moquet, ont l’habitude affreuse de se manger les uns les autres et de commencer par…

— Par le plus gras ! s’écria d’Artagnan ne pouvant s’empêcher de rire, malgré la gravité de la situation.

— Oui, monsieur, répondit Mousqueton, un peu abasourdi de cette hilarité, et permettez-moi de vous dire que je ne vois pas ce qu’il peut y avoir de risible là-dedans.

— C’est le dévoûment personnifié, que ce brave Mousqueton ! reprit Porthos. Gageons que tu te voyais déjà dépecé et mangé par ton maître ?

— Oui, monsieur, quoique cette joie que vous devinez en moi ne soit pas, je vous l’avoue, sans quelque mélange de tristesse. Cependant je ne me regretterais pas trop, monsieur, si en mourant j’avais la certitude de vous être utile encore.

— Mouston, dit Porthos attendri, si nous revoyons jamais le château de Pierrefonds, vous aurez, en toute propriété, pour vous et vos descendants, le clos de vigne qui surmonte la ferme.

— Et vous le nommerez la vigne du dévoûment, Mouston, dit Aramis, pour transmettre aux derniers âges le souvenir de votre sacrifice.

— Chevalier, dit d’Artagnan en riant à son tour, vous eussiez mangé du Mouston sans trop de répugnance, n’est-ce pas, surtout après deux ou trois jours de diète ?

— Oh ! ma foi, non, reprit Aramis, j’eusse mieux aimé Blaisois, il y a moins longtemps que nous le connaissons.

On conçoit que pendant cet échange de plaisanteries, qui avaient pour but surtout d’écarter de l’esprit d’Athos la scène qui venait de se passer, à l’exception de Grimaud, qui savait qu’en tout cas, le danger, quel qu’il fût, passerait au-dessus de sa tête, les valets ne fussent point tranquilles. Aussi Grimaud, sans prendre aucune part à la conversation, et muet, selon son habitude, s’escrimait-il de son mieux, un aviron de chaque main.

— Tu rames donc, toi ? dit Athos.

Grimaud fit signe que oui.

— Pourquoi rames-tu ?

— Pour avoir chaud.

En effet, tandis que les autres naufragés grelottaient de froid, le silencieux Grimaud suait à grosses gouttes. Tout à coup Mousqueton poussa un cri de joie en élevant au-dessus de sa tête sa main armée d’une bouteille.

— Oh ! dit-il en passant la bouteille à Porthos, oh ! monsieur, nous sommes sauvés ! la barque est garnie de vivres.

Et fouillant vivement sous le banc d’où il avait déjà tiré le précieux spécimen, il amena successivement une douzaine de bouteilles pareilles, du pain et un morceau de bœuf salé… Il est inutile de dire que cette trouvaille rendit la gaîté à tous, excepté à Athos.

— Mordieu ! dit Porthos, qui, on se le rappelle, avait déjà faim en mettant le pied sur la felouque, c’est étonnant comme les émotions creusent l’estomac !

Et il avala une bouteille d’un coup et mangea à lui seul un bon tiers du pain et du bœuf salé.

— Maintenant, dit Athos, dormez ou tâchez de dormir, messieurs ; moi, je veillerai.

Pour d’autres hommes que pour nos hardis aventuriers une pareille proposition eût été dérisoire. En effet, ils étaient mouillés jusqu’aux os, il faisait un vent glacial, et les émotions qu’ils venaient d’éprouver semblaient leur défendre de fermer l’œil ; mais pour ces natures d’élite, pour ces tempéraments de fer, pour ces corps brisés à toutes les fatigues, le sommeil dans toutes les circonstances arrivait à son heure sans jamais manquer à l’appel. Aussi, au bout d’un instant, chacun, plein de confiance dans le pilote, se fut-il accoudé à sa façon, et eut-il essayé de profiter du conseil donné par Athos, qui, assis au gouvernail et les yeux fixés sur le ciel, où sans doute il cherchait non seulement le chemin de la France, mais encore le visage de Dieu, demeura seul, comme il l’avait promis, pensif et éveillé, dirigeant la petite barque dans la voie qu’elle devait suivre.

Après quelques heures de sommeil, les voyageurs furent réveillés par Athos. Les premières lueurs du jour venaient de blanchir la mer bleuâtre, et à dix portées de mousquet à peu près vers l’avant on apercevait une masse noire au-dessus de laquelle se déployait une voile triangulaire fine et allongée comme l’aile d’une hirondelle.

— Une barque ! dirent d’une même voix les quatre amis, tandis que les laquais, de leur côté, exprimaient aussi leur joie sur des tons différents.

C’était en effet une flûte dunkerquoise qui faisait voile vers Boulogne.

Les quatre maîtres, Blaisois et Mousqueton, unirent leurs voix en un seul cri qui vibra sur la surface élastique des flots, tandis que Grimaud, sans rien dire, mettait son chapeau au bout de sa rame pour attirer les regards de ceux qu’allait frapper le son de la voix. Un quart-d’heure après, le canot de cette flûte les remorquait ; ils mettaient le pied sur le pont du petit bâtiment. Grimaud offrait vingt guinées au patron de la part de son maître, et à neuf heures du matin, par un bon vent, nos Français mettaient le pied sur le sol de la patrie.

— Morbleu ! qu’on est fort là-dessus ! dit Porthos en enfonçant ses larges pieds dans le sable. Qu’on vienne me chercher noise maintenant, me regarder de travers ou me chatouiller, et l’on verra à qui l’on a affaire ! Morbleu ! je défierais tout un royaume !

— Et moi, dit d’Artagnan, je vous engage à ne pas faire sonner ce défi trop haut, Porthos, car il me semble qu’on nous regarde beaucoup par ici.

— Pardieu ! dit Porthos, on nous admire.

— Eh bien ! moi, répondit d’Artagnan, je n’y mets point d’amour-propre, je vous jure, Porthos ! Seulement j’aperçois des hommes en robe noire, et dans notre situation les hommes en robe noire m’épouvantent, je l’avoue.

— Ce sont les greffiers des marchandises du port, dit Aramis.

— Sous l’autre cardinal, sous le grand, dit Athos, on eût plus fait attention à nous qu’aux marchandises. Mais sous celui-ci, tranquillisez-vous, amis, on fera plus attention aux marchandises qu’à nous.

— Je ne m’y fie pas, dit d’Artagnan, et je gagne les dunes.

— Pourquoi pas la ville ? dit Porthos ; j’aimerais mieux une bonne auberge que ces affreux déserts de sable que Dieu a créés pour les lapins seulement. D’ailleurs j’ai faim, moi.

— Faites comme vous voudrez, Porthos, dit d’Artagnan ; mais, quant à moi, je suis convaincu que ce qu’il y a de plus sûr pour des hommes dans notre situation, c’est la rase campagne.

Et d’Artagnan, certain de réunir la majorité, s’enfonça dans les dunes sans attendre la réponse de Porthos. La petite troupe le suivit et disparut bientôt avec lui derrière les monticules de sable, non sans avoir attiré sur elle l’attention publique.

— Maintenant, dit Aramis quand on eut fait un quart de lieue à peu près, causons.

— Non pas, dit d’Artagnan, fuyons. Nous avons échappé à Cromwell, à Mordaunt, à la mer, trois abîmes qui voulaient nous dévorer ; nous n’échapperons pas au sieur Mazarin.

— Vous avez raison, d’Artagnan, dit Aramis, et mon avis est que, pour plus de sécurité même, nous nous séparions.

— Oui, oui, Aramis, dit d’Artagnan, séparons-nous.

Porthos voulut parler pour s’opposer à cette résolution, mais d’Artagnan lui fit comprendre, en lui serrant la main, qu’il devait se taire. Porthos était fort obéissant à ces signes de son compagnon, dont avec sa bonhomie ordinaire il reconnaissait la supériorité intellectuelle. Il renfonça donc les paroles qui allaient sortir de sa bouche.

— Mais pourquoi nous séparer ? dit Athos.

— Parce que, dit d’Artagnan, nous avons été envoyés à Cromwell par M. de Mazarin, Porthos et moi, et qu’au lieu de servir Cromwell nous avons servi le roi Charles Ier, ce qui n’est pas du tout la même chose. En revenant avec MM. de la Fère et d’Herblay, notre crime est avéré ; en revenant seuls, notre crime demeure à l’état de doute, et avec le doute on mène les hommes très loin. Or, je veux faire voir du pays à M. de Mazarin, moi.

— Tiens, dit Porthos, c’est vrai.

— Vous oubliez, dit Athos, que nous sommes vos prisonniers, que nous ne nous regardons pas du tout comme dégagés de notre parole envers vous, et qu’en nous ramenant prisonniers à Paris…

— En vérité, Athos, interrompit d’Artagnan, je suis fâché qu’un homme d’esprit comme vous dise toujours des pauvretés dont rougiraient des écoliers de troisième. Chevalier, continua d’Artagnan en s’adressant à Aramis, qui, campé fièrement sur son épée, semblait, quoiqu’il eût d’abord émis une opinion contraire, s’être au premier mot rallié à celle de son compagnon ; chevalier, comprenez donc qu’ici comme toujours mon caractère défiant exagère. Porthos et moi ne risquons rien, au bout du compte. Mais si par hasard cependant on essayait de nous arrêter devant vous, eh bien ! on n’arrêtera pas sept hommes comme on en arrête trois ; les épées verraient le soleil, et l’affaire, mauvaise pour tout le monde, deviendrait une énormité qui nous perdrait tous quatre. D’ailleurs, si malheur arrive à deux de nous, ne vaut-il pas mieux que les deux autres soient en liberté pour tirer ceux-là d’affaire, pour ramper, miner, saper, les délivrer enfin ? Et puis, qui sait si nous n’obtiendrons pas séparément, vous de la reine, nous de Mazarin, un pardon qu’on nous refuserait réunis. Allons, Athos et Aramis, tirez à droite ; vous, Porthos, venez à gauche, avec moi ; laissez ces messieurs filer sur la Normandie, et nous, par la route la plus courte, gagnons Paris.

— Mais si l’on nous enlève en route, comment nous prévenir mutuellement de cette catastrophe ? demanda Aramis.

— Rien de plus facile, répondit d’Artagnan ; convenons d’un itinéraire dont nous ne nous écarterons pas. Gagnez Saint-Valéry, puis Dieppe, puis suivez la route droite de Dieppe à Paris ; nous, nous allons prendre par Abbeville, Amiens, Péronne, Compiègne et Senlis, et dans chaque auberge, dans chaque maison où nous nous arrêterons, nous écrirons sur la muraille avec la pointe du couteau, ou sur la vitre avec le tranchant d’un diamant, un renseignement qui puisse guider les recherches de ceux qui seraient libres.

— Ah ! mon ami, dit Athos, comme j’admirerais les ressources de votre tête, si je ne m’arrêtais pas, pour les adorer, à celles de votre cœur !

Et il tendit la main à d’Artagnan.

— Est-ce que le renard a du génie, Athos ? dit le Gascon avec un mouvement d’épaules. Non, il sait croquer les poules, dépister les chasseurs et retrouver son chemin le jour comme la nuit, voilà tout. Eh bien, est-ce dit ?

— C’est dit.

— Alors, partageons l’argent, reprit d’Artagnan, il doit rester environ deux cents pistoles. Combien reste-t-il, Grimaud ?

— Cent quatre-vingts demi-louis, Monsieur.

— C’est cela. Ah ! vivat ! voilà le soleil ! Bonjour, ami soleil. Quoique tu ne sois pas le même que celui de la Gascogne, je te reconnais ou je fais semblant de te reconnaître. Bonjour. Il y avait bien longtemps que je ne t’avais vu.

— Allons, allons, d’Artagnan, dit Athos, ne faites pas l’esprit fort, vous avez les larmes aux yeux. Soyons toujours francs entre nous, cette franchise dût-elle laisser voir nos bonnes qualités.

— Eh mais, dit d’Artagnan, est-ce que vous croyez, Athos, qu’on quitte de sang-froid et dans un moment qui n’est pas sans danger deux amis comme vous et Aramis ?

— Non, dit Athos ; aussi venez dans mes bras, mon fils !

— Mordieu ! dit Porthos en sanglotant, je crois que je pleure ; comme c’est bête !

Et les quatre amis se jetèrent en un seul groupe dans les bras les uns des autres. Ces quatre hommes réunis par l’étreinte fraternelle, n’eurent certes qu’une âme en ce moment.

Blaisois et Grimaud devaient suivre Athos et Aramis. Mousqueton suffisait à Porthos et à d’Artagnan.

On partagea, comme on avait toujours fait, l’argent avec une fraternelle régularité ; puis, après s’être individuellement serré la main et s’être mutuellement réitéré l’assurance d’une amitié éternelle, les quatre gentilshommes se séparèrent pour prendre chacun la route convenue, non sans se retourner, non sans se renvoyer encore d’affectueuses paroles que répétaient les échos de la dune… Enfin ils se perdirent de vue.

— Sacrebleu, d’Artagnan, dit Porthos, il faut que je vous dise cela tout de suite, car je ne saurais jamais garder sur le cœur quelque chose contre vous. Je ne vous ai pas reconnu dans cette circonstance !

— Pourquoi ? demanda d’Artagnan avec son fin sourire.

— Parce que si, comme vous le dites, Athos et Aramis courent un véritable danger, ce n’est pas le moment de les abandonner. Moi, je vous avoue que j’étais tout prêt à les suivre et que je le suis encore à les rejoindre malgré tous les Mazarins de la terre.

— Vous auriez raison, Porthos, s’il en était ainsi, dit d’Artagnan ; mais apprenez une toute petite chose, qui cependant, toute petite qu’elle est, va changer le cours de vos idées : c’est que ce ne sont pas ces messieurs qui courent le plus grave danger, c’est nous ; c’est que ce n’est point pour les abandonner que nous les quittons, mais pour ne pas les compromettre.

— Vrai ? dit Porthos en ouvrant de grands yeux étonnés.

— Eh ! sans doute : qu’ils soient arrêtés, il y va pour eux de la Bastille tout simplement ; que nous le soyons, nous, il y va de la place de Grève.

— Oh ! oh ! dit Porthos, il y a loin de là à cette couronne de baron que vous me promettiez, d’Artagnan !

— Bah ! pas si loin que vous croyez, peut-être, Porthos ; vous connaissez le proverbe : Tout chemin mène à Rome.

— Mais pourquoi courons-nous des dangers plus grands que ceux que courent Athos et Aramis ? demanda Porthos.

— Parce qu’ils n’ont fait, eux, que de suivre la mission qu’ils avaient reçue de la reine Henriette, et que nous avons trahi, nous, celle que nous avons reçue de Mazarin : parce que, partis comme messagers à Cromwell, nous sommes devenus partisans du roi Charles ; parce que, au lieu de concourir à faire tomber sa tête royale condamnée par ces cuistres qu’on appelle MM. Mazarin, Cromwell, Joyce, Pridge, Fairfax, etc., etc., nous avons failli le sauver.

— C’est ma foi vrai, dit Porthos ; mais comment voulez-vous, mon cher ami, qu’au milieu de ces grandes préoccupations le général Cromwell ait eu le temps de penser…

— Cromwell pense à tout, Cromwell a du temps pour tout ; et, croyez-moi, cher ami, ne perdons pas le nôtre, il est précieux. Nous ne serons en sûreté qu’après avoir vu Mazarin, et encore…

— Diable ! dit Porthos, et que lui dirons-nous, à Mazarin ?

— Laissez-moi faire, j’ai mon plan ; rira bien qui rira le dernier. M. Cromwell est bien fort ; M. Mazarin est bien rusé, mais j’aime encore mieux faire de la diplomatie contre eux que contre feu M. Mordaunt. — Tiens ! dit Porthos, c’est agréable de dire feu M. Mordaunt. — Ma foi, oui ! dit d’Artagnan, mais en route.

Et tous deux, sans perdre un instant, se dirigèrent à vue de pays vers la route de Paris, suivis de Mousqueton, qui, après avoir eu trop froid toute la nuit, avait déjà trop chaud au bout d’un quart d’heure.

I
Le fantôme de Richelieu
II
Une ronde de nuit
III
Deux anciens ennemis
IV
Anne d’Autriche à quarante-six ans
V
Gascon et Italien
VI
D’Artagnan à quarante ans
VII
D’Artagnan est embarrassé, mais une de nos anciennes connaissances lui vient en aide
VIII
Des influences différentes que peut avoir une demi-pistole sur un bedeau et sur un enfant de chœur
IX
Comment d’Artagnan, en cherchant bien loin Aramis, s’aperçut qu’il était en croupe derrière Planchet
X
L’abbé d’Herblay
XI
Les deux Gaspards
XII
M. Porthos du Vallon de Bracieux de Pierrefonds
XIII
Comment d’Artagnan s’aperçut, en retrouvant Porthos, que la fortune ne fait pas le bonheur
XIV
Où il est démontré que si Porthos était mécontent de son état, Mousqueton était fort satisfait du sien
XV
Deux têtes d’ange
XVI
Le château de Bragelonne
XVII
La diplomatie d’Athos
XVIII
M. de Beaufort
XIX
Ce à quoi se récréait M. le duc de Beaufort au donjon de Vincennes
XX
Grimaud entre en fonctions
XXI
Ce que contenaient les pâtés du successeur du père Marteau
XXII
Une aventure de Marie Michon
XXIII
L’abbé Scarron
XXIV
Saint-Denis
XXV
Un des quarante moyens d’évasion de monsieur de Beaufort
XXVI
D’Artagnan arrive à propos
XXVII
La grande route
XXVIII
Rencontre
XXIX
Le bonhomme Broussel
XXX
Quatre anciens amis s’apprêtent à se revoir
XXXI
La place Royale
XXXII
Le bac de l’Oise
XXXIII
Escarmouche
XXXIV
Le moine
XXXV
L’absolution
XXXVI
Grimaud parle
XXXVII
La veille de la bataille
XXXVIII
Un dîner d’autrefois
XXXIX
La lettre de Charles Ier
XL
La lettre de Cromwell
XLI
Mazarin et Madame Henriette
XLII
Comment les malheureux prennent parfois le hasard pour la providence
XLIII
L’oncle et le neveu
XLIV
Paternité
XLV
Encore une reine qui demande secours
XLVI
Où il est prouvé que le premier mouvement est toujours le bon
XLVII
Le Te Deum de la victoire de Lens
XLVIII
Le mendiant de Saint-Eustache
XLIX
La tour de Saint-Jacques-la-Boucherie
L
L’émeute
LI
L’émeute fait révolte
LII
Le malheur donne de la mémoire
LIII
L’entrevue
LIV
La fuite
LV
Le carrosse de M. le Coadjuteur
LVI
Comment d’Artagnan et Porthos gagnèrent, l’un deux cent dix-neuf, et l’autre deux cent quinze louis, à vendre de la paille
LVII
On a des nouvelles d’Aramis
LVIII
L’écossais, parjure à sa foi, pour un denier vendit son roi
LIX
Le vengeur
LX
Olivier Cromwell
LXI
Les gentilshommes
LXII
Jésus Seigneur
LXIII
Où il est prouvé que dans les positions les plus difficiles les grands cœurs ne perdent jamais le courage, ni les bons estomacs l’appétit
LXIV
Salut à la Majesté tombée
LXV
D’Artagnan trouve un projet
LXVI
La partie de lansquenet
LXVII
Londres
LXVIII
Le procès
LXIX
White-Hall
LXX
Les ouvriers
LXXI
Remember
LXXII
L’homme masqué
LXXIII
La maison de Cromwell
LXXIV
Conversation
LXXV
La Felouque l’Éclair
LXXVI
Le vin de Porto
LXXVII
Fatality
LXXVIII
Où, après avoir manqué d’être rôti, Mousqueton manqua d’être mangé
LXXIX
Retour
LXXX
Les ambassadeurs
LXXXI
Les trois lieutenants du généralissime
LXXXII
Le combat de Charenton
LXXXIII
La route de Picardie
LXXXIV
La reconnaissance d’Anne d’Autriche
LXXXV
La royauté de M. de Mazarin
LXXXVI
Précautions
LXXXVII
L’esprit et le bras
LXXXVIII
Le bras et l’esprit
LXXXIX
Les oubliettes de M. de Mazarin
XC
Conférences
XCI
Où l’on commence à croire que Porthos sera enfin baron et d’Artagnan capitaine
XCII
Comme quoi avec une plume et une menace on fait plus vite et mieux qu’avec l’épée et du dévouement
XCIII
Où il est prouvé qu’il est quelquefois plus difficile aux rois de rentrer dans la capitale de leur royaume que d’en sortir
XCIV
Conclusion

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