ACTE V - SCÈNE VI



(Le camp des Turcs.)
(SOLIMAN, LE VIZIR, SUITE)

Soliman
Vizir, avez-vous pris livraison des deux cents esclaves ?

Le Vizir
Sire, j'ai donné un reçu de deux cents esclaves, puisqu'il en était convenu ainsi avec le Pays libre, mais le convoi est réellement de plus de deux mille. Je n'y comprends rien. La plupart sont dérisoirement enchaînés, réclament à grands cris des fers, ce que je comprends moins encore, à moins qu'ils ne témoignent par là leur hâte de participer à l'honneur de ramer sur les galères de Votre Majesté.

Soliman
Et le Père Ubu ?

Le Vizir
Le Père Ubu prétend qu'on lui a volé ses boulets de forçat en route. Il est d'une humeur féroce et manifeste l'intention de mettre tout le monde dans sa poche. Il casse toutes les rames et effondre les bancs afin de vérifier s'ils sont solides.

Soliman
Assez ! Traitez-le avec les plus grands égards. Ce n'est pas que j'aie peur de sa violence… Maintenant que je l'ai vu de près, je sais combien il est encore au-dessus de sa renommée. Et il m'appartenait de lui découvrir un nouveau titre de gloire : apprenez qui est ce Père Ubu que l'on m'amenait comme esclave. Cet air noble, celte prestance… C'est mon propre frère qui fut enlevé il y a de longues années par les pirates français et contraint au travail dans divers bagnes, ce qui lui permit de s'élever aux éminentes situations de roi d'Aragon, puis de Pologne ! Baisez la terre entre.ses mains, mais gardez-vous de lui révéler cette reconnaissance merveilleuse, car il s'installerait dans mon empire avec toute sa famille et le dévorerait en peu de temps. Embarquez-le pour n'importe où et faites vite.

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