ACTE IV - SCÈNE IV



(La cour de la prison.)
(PÈRE UBU, MÈRE UBU, FORÇATS, ARGOUSINS)

Les Forçats
Vive l'esclavage ! Vive le Père Ubu !

Père Ubu
Mère Ubu, as-tu un bout de ficelle, que je rafistole la chaîne de mes boulets ? Ils sont si lourds que j'ai toujours peur de les laisser en route.

Mère Ubu
Stupide personnage !

Père Ubu
Voilà le carcan qui se dégrafe et les menottes qui me passent par-dessus les mains. Je vais me trouver en liberté, sans ornements, sans escorte, sans honneurs, et forcé de subvenir moi-même à tous mes besoins !

L'Argousin
Seigneur Ubu, voilà votre bonnet vert qui s'envole par-dessus les moulins.

Père Ubu
Quels moulins ? Nous ne sommes plus sur la colline de l'Ukraine. Je ne recevrai plus de coups. Tiens, mais je n'ai plus de cheval à phynances.

Mère Ubu
Tu disais toujours qu'il ne savait point te porter.

Père Ubu
Parce qu'il ne mangeait rien, corne d'Ubu ! Mon boulet non plus, il est vrai : il ne dira rien si tu le voles, et je n'ai sur moi aucun livre des finances. Mais ça ne m'avance guère. C'est l'administration des galères turques qui me volera à ta place, Mère Ubu. Adieu, Mère Ubu : notre séparation manque vraiment de musique militaire.

Mère Ubu
Voici venir l'escorte des argousins avec leurs passe-poils jaunes.

Père Ubu
Contentons-nous donc de notre monotone cliquetis de ferraille. Adieu, Mère Ubu. Je me réjouirai bientôt au bruit des vagues et des rames ! Mon Geôlier veillera sur toi.

Mère Ubu
Adieu, Père Ubu ; si lu reviens chercher quelque repos, tu me retrouveras dans la même cbambrette bien close : je t'aurai tressé une belle paire de pantoufles. Ha ! nos adieux sont trop déchirants, je vais t'accompagner jusque sur la porte !
(Le Père Ubu, la Mère Ubu et les Forçats s'éloignent, traînant leurs chaînes et se bousculant, vers la grande porte, qui est au fond.)

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