ACTE PREMIER - SCÈNE IV



(PÈRE UBU, LE CAPORAL, LES TROIS HOMMES LIBRES)
(Le Caporal et les Hommes libres défilent quelque temps ; le Père Ubu leur emboîte le pas.)

Le Caporal
Portez… arme !
(Le Père Ubu obéit avec son balai.)

Père Ubu
Vive l'armerdre !

Le Caporal
Arrêtez, arrêtez ! ou plutôt, non ! Désobéissants, ne vous arrêtez pas !
(Les Hommes libres s'arrêtent, le Père Ubu se détache.)
Quelle est cette nouvelle recrue, plus libre que vous tous, qui a inventé un maniement d'arme que je n'ai jamais vu, depuis sept ans que je commande : Portez… arme !

Père Ubu
Nous avons obéi, Monsieur, pour remplir nos devoirs d'esclave. J'ai fait : portez arme.

Le Caporal
J'ai expliqué bien des fois ce mouvement, mais c'est la première que je le vois exécuter. Vous savez mieux que moi la théorie de la liberté. Vous prenez celle de faire même ce qui est ordonné. Vous êtes un plus grand homme libre, Monsieur ?…

Père Ubu
Monsieur Ubu, ancien roi de Pologne et d'Aragon, comte de Mondragon, comte de Sandomir, marquis de Saint-Grégeois. Actuellement, esclave, pour vous servir, Monsieur ?…

Le Caporal
Le Caporal des hommes libres, Pissedoux… mais, quand il y a des dames, le marquis de Granpré. Rappelez-vous, je vous prie, qu'il convient de ne me donner que mon titre, même s'il vous arrive d'avoir à me commander, car je vous reconnais sergent pour le moins, par le savoir.

Père Ubu
Caporal Pissedoux, on s'en souviendra, monsieur. Mais je suis venu dans ce pays pour être esclave et non pour donner des ordres, quoique j'aie été sergent, comme vous dites, quand j'étais petit, et même capitaine de dragons. Caporal Pissedoux, au revoir.
(Il sort.)

Le Caporal
Au revoir, comte de Saint-Grégeois. — Escouade, halte !
(Les Hommes libres se mettent en marche et sortent de Vautre côté. )

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